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INTERNATIONAL – Des plongeurs et plongeuses de communautés côtières du monde entier ont entouré des récifs de corail morts de rubans imprimés « scène de crime » lors d’une série de plongées sous-marines visant à attirer l’attention sur les dégâts catastrophiques infligés à ce précieux écosystème et sur le coupable du crime : l’industrie fossile. Une collection de photographies sous-marines provenant des Samoa, de la Grande Barrière de corail australienne et des îles Andaman a été publiée hier. Le but est d’illustrer les impacts du pire blanchissement corallien de masse jamais enregistré et de montrer qu’il est l’une des conséquences de l’irresponsabilité d’Exxon et des autres compagnies de combustibles fossiles qui s’opposent à des politiques climatiques ambitieuses à l’échelle planétaire.
Une recherche récente confirme que les températures océaniques supérieures à la moyenne provoquant ce blanchissement dans 38 pays sont le résultat d’un changement climatique mondial d’origine humaine, et non d’une pollution locale comme certain.e.s le pensaient jusqu’alors, et que l’industrie fossile est la principale coupable de cette situation. Depuis le siècle dernier, des entreprises telles qu’Exxon ont choisi d’ignorer les mises en garde de leurs propres scientifiques. Elles ont au contraire mobilisé des ressources pour tromper sciemment le grand public en finançant des groupes niant le changement climatique, ainisi qu’en rejetant des résolutions d’actionnaires en faveur du climat et en contrecarrant les politiques climatiques.
Les récifs coralliens multicolores regorgeant de vie ont dépéri et se sont couverts d’algues, laissant la place à des masses blanchâtres etbruns. Dans des sites tels que la Grande Barrière de corail, jusqu’à 50 % des récifs précédemment en bonne santé ont blanchi et sont morts. En Amérique du Nord, la NOAA (National Oceanic and Atmospheric Administration) prévoit que Guam, les îles Mariannes du Nord, la Micronésie orientale et l’île de Hainan (Chine) seront très certainement les principales victimes du blanchissement au cours des prochains mois. Le phénomène devrait également toucher Hawaii et diverses régions des Caraïbes.
Le blanchissement a débuté en 2014 dans une région s’étendant du Pacifique occidental à la Floride. En 2015, le phénomène est devenu mondial, essentiellement sous l’effet du réchauffement climatique, une grande partie du blanchissement étant survenue avant l’épisode 2015-2016 d’El Niño. Sachant que les récifs abritent quelque 25 % de l’ensemble des espèces marines, la disparition de vastes étendues coralliennes pourrait menacer les moyens de subsistance de 500 millions de personnes et des biens et services d’une valeur de 375 milliards $ chaque année..
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Compte-rendu des témoignages :
« Le blanchissement de la Grande Barrière de corail est une catastrophe pour toute ma communauté. Les Gimuy Walubarra Yidinji veillent sur ce récif depuis des milliers d’années. Il s’agit d’une ressource culturelle et économique vitale pour notre peuple, mais également pour le reste du monde. Je demande qu’Exxon, AGL et les autres compagnies de combustibles fossiles réfléchissent très attentivement à leur comportement actuel. Elles parlent de déni, elles affectent de débattre de questions scientifiques, mais tout cela ne cache qu’un énorme appât du gain. Nous n’avons plus le temps d’écouter leurs excuses. Leur cupidité mène notre planète au désastre. » Prof. associée Henrietta Marrie, CDU, doyenne du peuple Gimuy Walubarra Yidinji, Cairns, Australie.
« Les îles Andaman sont fréquentées par des touristes des quatre coins du monde, dont le principal objectif est d’admirer les récifs coralliens tels qu’ils sont présentés sur Internet. Lorsque les sites en eau peu profonde blanchissent, les personnes qui ne savent pas nager et les débutant.e.s, qui constituent la majeure part de nos visiteur.euse.s, sont déçu.e.s. À leur retour, ils et elles font part de leur déception à leurs proches et ami.e.s, ce qui réduit l’activité de plongée et met donc en péril les nombreux établissements qui en vivent. » Subhash Chandran, instructeur de plongée de SSI, îles Andaman, Inde.
« La mort rapide d’une telle quantité de corail observée partout dans le monde cette année est une tragédie pour les personnes qui dépendent de ces écosystèmes. Elle est d’autant plus insupportable qu’elle n’était pas inéluctable : il aurait suffi qu’Exxon et consorts disent la vérité sur le changement climatique lorsqu’ils l’ont découverte. On peut affirmer qu’ils ont tué les récifs ; il ne s’agit pas d’une exagération, mais d’une simple réalité physique et biologique. » Bill McKibben, cofondateur et conseiller principal de350.org.
« Après plus de deux ans de blanchissement du corail, ce phénomène ne montre toujours aucun signe d’affaiblissement à l’échelle planétaire. Cette année, le blanchissement a déjà frappé la plupart des régions tropicales de la planète, tandis que la saison de blanchissement n’a pas encore atteint son apogée dans l’hémisphère nord. Dans de nombreuses zones, comme le nord de la Grande Barrière de corail et les îles du Pacifique équatorial central, le blanchissement et la mort des coraux ont été pires que jamais, en particulier dans les récifs les plus isolés ou les mieux gérés. Le blanchissement généralisé des coraux est un problème récent, qui s’est déclaré dans les années 1980 en raison du réchauffement climatique et ne cesse de gagner en intensité et en fréquence. À moins que nous réussissions à ramener les taux de CO2 atmosphériques à des niveaux compatibles avec la survie des récifs coralliens, nous allons perdre l’un des écosystèmes les plus diversifiés et précieux de la Terre. » C. Mark Eakin, Ph. D., coordinateur du Coral Reef Watch de la NOAA.
« Chacun de ces 14 derniers mois a battu les records de chaleur établis depuis le début des relevés, ce qui n’empêche pas Exxon de continuer à financer un vaste réseau de déni du changement climatique. Les dirigeant.e.s d’Exxon nous ont fait perdre l’équivalent d’une génération d’action publique pour le climat, en commettant ce qui pourrait être la pire fraude de l’histoire. Nous continuerons de diffuser le message pour contraindre l’industrie fossile à répondre de ses crimes climatiques. » Aaron Packard, directeur du Climate Impacts Program de 350.org.
« Les dégâts occasionnés à la Grande Barrière de corail nous serrent le cœur. Un écocide se déroule sous nos yeux. Nous formons des plongeurs et plongeuses sur ces récifs depuis plus de 30 ans ; il s’agit de notre moyen de subsistance et de notre foyer. Quand je pense que ces coraux autrefois florissants et multicolores gisent désormais sans vie, couverts d’algues brunes, et que tout cela est le résultat de la soif de profit… c’est plus qu’irresponsable, c’est criminel. » Jon Burnett, instructeur de plongée et écologiste marin, Port Douglas