Fenton Lutunatabua en collaboration avec Alexandre Capron journaliste à FRANCE 24.
Les États insulaires du Pacifique, comme les Fidji, Tuvalu ou les Tonga, sont les premiers concernés par la montée des eaux due au réchauffement climatique qui pourrait entraîner leur disparition. Pour faire face à cette menace, des “guerriers du Pacifique” se sont donné pour mission de mobiliser les populations locales.
L’initiative est portée par la branche Pacifique de l’association 350.org, une ONG internationale qui milite contre les activités qui contribuent au réchauffement climatique. Le principal cheval de bataille de l’association est de dénoncer les activités des industries pétrolières, principales responsables de l’émission de gaz à effet de serre. Dans la région Pacifique, c’est le port australien de Newcastle, plus gros port de charbon du monde, qu’ils ont en ligne de mire.
Pour rallier le maximum de personnes à leur cause, l’association a créé le concept des “Guerriers du Pacifique “dans plusieurs îles de la région, des Samoa à Tuvalu, en passant par les Fidji et la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Pacifiques, ces activistes sont entraînés aux techniques de sauvegarde de l’environnement et arpentent les différentes îles pour sensibiliser les populations.
“Nous voulons impliquer les communautés pour qu’elles fassent pression sur les autorités”
Fenton Lutunatabua, qui vit aux Fidji, est l’un de ces guerriers. Il est responsable de leurs actions dans le Pacifique pour 350.org.
“Notre préoccupation est de responsabiliser au maximum des communautés locales qui sont les premières concernées par les effets du réchauffement climatique : la hausse du niveau de la mer de six millimètres par an, le risque accru de cyclones, ou encore la perturbation des écosystèmes qui amenuise le nombre de poissons dans les océans au détriment des pêcheurs. Souvent, il y a une méfiance de la part des adultes et des plus anciens qui ne croient pas au réchauffement climatique pour diverses raisons, à la fois religieuses ou traditionnelles : ils pensent que ces dérèglements climatiques sont une sorte de “malédiction irréversible”, ce qui freine leur engagement.
Nos trente guerriers climatiques aux Fidji trouvent un écho plus important auprès des jeunes lors des ateliers que nous organisons dans les îles : ils s’identifient davantage à leur côté sportif, non agressif, respectueux des coutumes locales tout en ayant un aspect “cool “. Durant ces ateliers, nous discutons beaucoup, nous créons des banderoles, nous fabriquons des pirogues miniatures ou de taille réelle en vue de nos actions futures.Ces activités permettent à la fois de renouer avec nos cultures ancestrales afin de mener la lutte nécessaire pour préserver leur avenir. Le fait que ces jeunes puissent avoir un modèle et apprendre rend beaucoup plus efficace la transmission. Une fois qu’on a convaincu les plus jeunes, on leur explique que c’est à eux de parler à leur tour à leurs aînés, et on multiplie les chances de convaincre les adultes et d’impliquer les communautés pour faire pression sur les autorités”.
“Des guerriers en pirogue vont bloquer un port en Australie”
Si impliquer les acteurs locaux dans la lutte pour le climat est l’objectif premier de l’organisation, Fenton Lutunatabua explique que “pour que le réchauffement climatique global n’excède pas 2° celcius, il faudrait que 80 % des ressources que les compagnies d’extraction des énergies fossiles prévoient de récolter d’ici 2050 restent sous terre”. Selon l’association, après vingt années de pourparlers avec les principales entreprises et autorités australiennes, la disparition d’îles comme celle de Kiribati, à deux mètres au-dessus du niveau de la mer, aura lieu dans les prochaines décennies.
Pour exprimer leur opposition, trente “guerriers du Pacifique” prévoient de se rendre en octobre dans le port australien de Newcastle pour bloquer pendant une journée toutes les activités des industries d’extraction. Fenton Lutunatabua explique :
“Ces trente guerriers venus de douze pays différents du Pacifique ont fabriqué, avec l’aide des habitants qui ont participé aux ateliers, des canoës traditionnels avec lesquels ils vont aller bloquer le port en octobre. Nous sommes conscients qu’annoncer une telle action risque de provoquer une réaction des autorités australiennes pour empêcher nos guerriers d’agir et nous n’avons pas l’intention de les mettre en danger. Mais cela a, avant tout, permis d’associer plusieurs habitants d’une même zone géographique autour d’un projet commun, et de lancer un message à l’attention des industriels.”
Cet article a été originellement publié dans France 24.