Paris, le 26 mai – Aujourd’hui, l’AG de Total devait se tenir à Paris pour célébrer les bénéfices record du groupe et voter ses orientations stratégiques, qui prévoient le développement de nombreux nouveaux projets d’énergies fossiles. L’événement est fortement perturbé par 700 activistes non-violents qui ont tenté de bloquer les différents points d’entrée depuis 6h du matin. Ils ont été violemment réprimés par la police présente en nombre dès le début de l’action. Cette action de masse, coordonnée par Alternatiba Paris, les Amis de la Terre France, Attac, et avec le soutien de Greenpeace France, 350.org et Scientifiques en Rébellion a été organisée pour dénoncer les projets dévastateurs de Total et son greenwashing agressif.
Ils avaient prévenu, dans l’appel publié il y a un mois et intitulé « l’AG de Total n’aura pas lieu ! » (1). Ils sont là.
700 activistes non-violents perturbent actuellement la tenue de l’AG de Total devant la salle Pleyel. Ils ont déployé une banderole indiquant “Total, les éco-terroristes c’est vous”. Des prises de parole ont eu lieu, ainsi que des animations artistiques. Au mégaphone, les activistes entonnent des chants : “Nous ce qu’on veut, c’est renverser Total”. Des actionnaires ont finalement forcé le barrage avec l’aide de la police, n’hésitant pas à piétiner les activistes.
Le dispositif policier déployé était massif et la violence particulièrement forte dès les premières minutes : gazage à bout portant, grenades lacrymogènes lancées dans la foule assise, vêtements brûlés aux grenades, matraquage arbitraire, interpellations, brutalisation des activistes et journalistes… La police a tenté de déloger les activistes à de nombreuses reprises.
C’est ce dispositif répressif qui a permis aux actionnaires de rentrer et donc à l’AG d’être maintenue. Nous condamnons cette violence inédite, qui protège les intérêts privés de Total et de ses actionnaires au détriment du climat et de l’intérêt général. Les revendications des manifestants, venus défendre leur droit à un avenir juste et stable, sont pourtant légitimes. Cette violence est un terrible aveu d’incompétence climatique de la part de l’Etat, et un marqueur de plus dans la glissade vers l’autoritarisme violent et la criminalisation des activistes climat.
Steven Arfeuille, porte-parole d’Alternatiba Paris : “Avec ce blocage, nous montons d’un cran par rapport aux actions de ces derniers mois et avertissons Total : il n’est plus possible de voter ses plans et de dérouler son greenwashing en toute impunité. Comme Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations-Unies, l’a dit : nous sommes sur l’autoroute vers l’enfer climatique, avec le pied sur l’accélérateur. Et c’est Total qui fournit le carburant avec la bénédiction du gouvernement. Tant que l’entreprise ne sortira pas des énergies fossiles, nous serons là pour lui mettre des bâtons dans les roues”.
Cette action est essentielle, car chaque nouveau projet d’énergies fossiles est un coup supplémentaire porté à la possibilité même de préserver nos conditions de vie sur Terre.
Pour Jean-François Guillon, membre du bureau d’Attac : “Alors que Total prévoyait de célébrer ses 36,2 milliards d’euros de bénéfices en 2022 à coup de champagne et de petits fours, nous avons joué les trouble-fêtes. Si Total préfère utiliser ses superprofits pour récompenser grassement ses actionnaires en leur versant des dividendes record (9,4 milliards d’euros !) et augmenter encore ses investissements dans les énergies fossiles, la major pétrolière n’hésite pas non plus à pratiquer l’évitement fiscal ! Rappelons enfin qu’en pleine crise énergétique, 12 millions de Français luttent au quotidien pour se chauffer, faire le plein d’essence ou se nourrir.”
Total est l’une des entreprises les plus agressives au monde dans le développement de nouveaux projets de pétrole et gaz. Selon un rapport publié hier par l’ONG Oil Change International, Total s’est classée en 2022 3ème au niveau mondial et 1ère parmi les majors internationales dans l’approbation de nouvelles expansions pétrolières et gazières. Même à l’horizon 2030, Total prévoit de maintenir les deux tiers de ses investissements dans le pétrole et le gaz (2).
Total projette ainsi de développer de nouvelles bombes climatiques partout dans le monde. Les projets EACOP et Tilenga, en Ouganda et Tanzanie (3), sont des cas symptomatiques de la stratégie d’expansion de Total, tout comme le méga projet gazier au Mozambique LNG qui pourrait être relancé malgré un contexte humanitaire et sécuritaire dramatique (4), l’exploitation des gaz de schiste en Argentine, ou encore les forages offshores au Sénégal, en Afrique du Sud, et en Papouasie Nouvelle Guinée.
Tous ces nouveaux projets d’énergies fossiles sont à contre-courant des recommandations des scientifiques et notamment du GIEC (6), comme de l’Agence internationale de l’énergie, qui indiquent clairement qu’il est impératif qu’ils ne voient pas le jour pour espérer rester sous la barre des 1,5 °C de réchauffement global.
Mais cet impératif immédiat est balayé par Total, dont le “plan climat” ne prévoit ni l’arrêt de ses investissements dans les pétrole et gaz, ni une sortie des énergies fossiles. La major a même appelé ses actionnaires à voter contre une résolution consultative déposée par 17 investisseurs et portant la demande élémentaire que Total se dote d’objectifs de baisse de toutes ses émissions de gaz à effet de serre alignés avec l’Accord de Paris (7). Ce greenwashing, Total l’a renouvelé lors de son AG.
De plus, Total a assigné récemment Greenpeace France en justice (8) à propos d’un rapport concernant son bilan carbone publié en novembre 2022.
“Après avoir entretenu le déni autour de l’impact de ses activités, puis la fabrique du doute sur la réalité du changement climatique (9), Total passe à l’attaque envers la société civile mobilisée pour le climat. Total tente de bâillonner les associations pour détourner l’attention, gagner du temps et faire oublier ses activités climaticides”, déclare Edina Ifticène, chargée de campagne énergies fossiles chez Greenpeace France.
Les demandes des activistes sont très claires. Elles sont fondées sur le consensus scientifique. Lorette Philippot, chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre France, conclut : “La seule stratégie climat crédible pour Total est la fin immédiate de tout nouveau projet d’énergies fossiles. Les bombes climatiques que Total est en train d’amorcer aux quatre coins du monde ne doivent pas voir le jour car chacune d’entre elles nous pousse vers un monde moins vivable. C’est le cas d’EACOP et Tilenga, mais aussi de Mozambique LNG. Cela implique également que les acteurs financiers complices des majors comme Total, et au premier rang desquels BNP Paribas et Crédit Agricole, ferment les vannes de leurs soutiens mortifères”.
Hilda Nakabuye, militante ougandaise pour la justice climatique, est intervenue lors de l’assemblée générale et a parlé à Brassac en personne lors de l’action organisée par 350.org et Avaaz, devant le siège de la banque. Elle a déclaré : “Vous ne financez peut-être pas directement l’EACOP, mais Total nous affecte, nous, nos communautés, nos traditions, notre culture, notre peuple. J’ai parcouru 9000 kilomètres juste pour vous faire savoir à quel point mon peuple est affecté. Nous voulons que vous arrêtiez Total et que vous cessiez de financer ses activités.”
Cette manifestation s’inscrivait dans le cadre d’une campagne lancée au printemps : Objectif CAssis. Depuis le mois d’avril, des centaines de membres du mouvement StopTotal ont visité plus de 1100 agences du Crédit Agricole dans 400 villes et villages français, pour demander à la banque et à sa filiale Amundi de prendre position contre EACOP et de cesser de financer TotalEnergies alors que la major pétrolière continue d’étendre ses activités pétrolières et gazières dans le monde entier.
Hugo Viel, chargé de campagne chez 350.org et organisateur de l’action, a déclaré : “Le Crédit Agricole et Philippe Brassac soutiennent TotalEnergies et sa stratégie expansionniste depuis des années. Le projet EACOP est un symbole de la stratégie de Total. Philippe Brassac, en tant que directeur général du groupe Crédit Agricole et nouveau président d’Amundi, doit prendre ses responsabilités : il doit s’opposer publiquement à EACOP et utiliser son influence financière pour maintenir les énergies fossiles dans le sol. Philippe Brassac : cessez de soutenir TotalEnergies”.
Le Crédit Agricole est le premier bailleur de fonds de TotalEnergies et de sa filiale Amundi, son premier actionnaire. Bien que ses communications officielles précisent qu’il ne finance pas directement le projet EACOP, il affiche un soutien financier fort et régulier à la major pétrolière française. Le groupe Crédit Agricole a une influence importante sur les marchés financiers, mais aussi sur la stratégie globale de TotalEnergies, dont il est le premier actionnaire via Amundi.
350.org et ses partenaires exigent que le Groupe mette fin à son greenwashing et prenne des engagements climatiques forts pour aligner sa stratégie sur l’Accord de Paris. Une action très concrète et fortement symbolique pour s’aligner sur l’Accord de Paris consiste à désinvestir de TotalEnergies et à faire pression sur la major pour qu’elle abandonne tous les nouveaux projets pétroliers et gaziers, tel que EACOP en Ouganda.
La pression internationale autour de la nécessité pour les banques et les assurances de désinvestir des nouveaux projets fossiles se renforce chaque jour. TotalEnergies a du mal aujourd’hui à convaincre les investisseurs de soutenir EACOP, à l’image de la grande banque japonaise SMBC qui a annoncé hier qu’elle ne s’impliquerait plus dans l’EACOP.
Le Crédit Agricole doit suspendre toute forme de soutien – qu’il soit financier ou stratégique – à TotalEnergies, tant que la major pétrolière française investira dans de nouveaux projets liés aux énergies fossiles. A l’approche de l’assemblée générale de TotalEnergies la semaine prochaine (26 mai), 350.org demande que le Crédit Agricole via Amundi prenne officiellement une position forte contre le géant pétrolier en votant contre son “plan climat”.
Pour Clémence Dubois, directrice adjointe des campagnes mondiales pour 350.org :
“D’un hémisphère à l’autre, nous mourons de canicules, d’incendies et d’inondations sans précédent : ceci n’est pas un accident. C’est précisément la manifestation de la cupidité illimitée de Total et l’industrie des combustibles fossiles. Ici, devant leur assemblée générale, nous adressons un message fort aux pouvoirs publics : voici l’argent nécessaire à l’isolation des logements ou au développement des énergies propres et abordables pour tous ! Nos politiciens et décideurs ne doivent pas permettre à l’industrie des combustibles fossiles de dicter l’agenda économique et politique à son seul profit.”
Après cinq heures de blocage et malgré la violence de la répression, la motivation des activistes reste cependant intacte.
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Photos et vidéos de l’action disponibles pour les journalistes dans ce dossier.
Contacts médias :
- Les Amis de la Terre France : Marion Cubizolles, [email protected], 06 86 41 53 43
- 350.org : Clémence Dubois, [email protected], 06 42 71 31 75
- Attac France : Clément Benoit, [email protected], 06 75 44 81 62
- Alternatiba Paris : Léa Geindreau, [email protected], 06 89 90 48 78
- Greenpeace : [email protected], 06 13 07 04 29
Plus d’informations sur l’Objectif Cassis.
Notes de bas de page :
(1) Appel unitaire publié le 26 avril 2023 « l’AG de Total n’aura pas lieu ! »
(2) Voir le briefing sorti par Oil Change International hier
(3) Voir le dernier rapport des Amis de la Terre
(4) Sur la situation et les projets gaziers au Mozambique, voir cet article des Amis de la Terre France
(5) Nous scientifiques et experts appelons les actionnaires de Total Energies à voter contre la stratégie climat de la firme, Le Monde, tribune collective, 07 mars 2023
(6) Communiqué de presse de Total
(7) Résolution climat consultative par la coalition d’actionnaires Follow This
(8) Voir le communiqué de Greenpeace France
(9) Comment Total et Elf ont contribué à nourrir le doute sur la réalité du changement climatique, Le Monde, 20 octobre 2021