17 avril, 2023

L’opposition grandissante à l’EACOP exacerbe les risques financiers et de réputation du projet EACOP : Rapport sur les risques financiers n° 4

International 

Le quatrième Rapport sur les risques financiers de l’oléoduc de pétrole brut d’Afrique de l’Est, que viennent de publier des organisations telles que BankTrack, Insure our Future et Inclusive Development International (IDI), met en lumière l’opposition croissante à l’EACOP en Ouganda, en Tanzanie et dans le reste du monde. En Ouganda, ni la restriction des libertés civiles ni les menaces constantes contre les droits humains ne sont venues à bout de la résistance au projet.

Le cabinet ougandais a approuvé le permis de construire de l’EACOP le 17 janvier 2023, le gouvernement tanzanien faisant de même le 21 février. Malgré ces approbations, les fonds nécessaires n’ont pas encore été réunis, et la date prévue de clôture financière a été reportée à plusieurs reprises depuis l’annonce de la décision d’investissement définitive, en février 2022.

Selon le rapport, les précédentes estimations des impacts climatiques de l’EACOP pourraient par ailleurs devoir être revues à la hausse. En novembre 2022, le Climate Accountability Institute (CAI) a publié une étude révélant que les émissions sur la durée de vie du projet pourraient s’élever à 379 millions de tonnes d’équivalent CO2 (éq. CO2), si l’on inclut l’ensemble de la chaîne de valeur allant du transport du pétrole brut par l’oléoduc jusqu’à son utilisation finale par les consommateurs du monde entier. Le rapport indique cependant que l’EACOP pourrait aussi desservir d’autres champs pétroliers d’Ouganda, de RDC, de Tanzanie, voire de Soudan du Sud, ce qui prolongerait sa durée de vie et en augmenterait les émissions.

En septembre 2022, le Parlement européen a adopté une résolution d’urgence reconnaissant les répercussions désastreuses de l’oléoduc sur les droits humains et le climat, et préconisant l’arrêt des activités extractives dans les écosystèmes protégés et sensibles, y compris les rives du lac Albert. TotalEnergies, le principal actionnaire du projet, n’a pas manifesté sa volonté de se plier à cette résolution.

Face aux risques de réputation, juridiques et financiers et à une pression populaire internationale de plus en plus intenses, 24 banques et 23 assureurs se sont d’ores et déjà engagés à ne pas prendre part au projet.

C’est entre autres le cas d’Intesa Sanpaolo, principale banque d’Italie, de DZ Bank, deuxième banque d’Allemagne, et de Natixis, un établissement financier français.

Dans un contexte d’exacerbation des risques de l’EACOP et de l’opposition qu’il soulève, le rapport incite les organismes financiers à considérer l’éventail complet des risques pour l’environnement, les droits humains et le climat, ainsi que les impacts associés au projet et les risques commerciaux et de réputation qu’il représente pour les bailleurs de fonds, les assureurs et les investisseurs potentiels. Il les appelle en outre à faire pression sur les promoteurs de l’EACOP, à savoir TotalEnergies et la CNOOC, pour qu’ils renoncent à l’oléoduc. Enfin, le rapport encourage ces organismes à collaborer avec les gouvernements d’Ouganda et de Tanzanie, pour promouvoir et financer un futur basé sur une énergie propre, renouvelable, respectueuse des droits et compatible avec les principes d’une transition socialement juste.

La publication du rapport sur les risques a coïncidé avec la tenue, à Washington, des Réunions de printemps du Groupe de la Banque mondiale, dont dépend la Société financière internationale (SFI). Le rapport confirme, si besoin était, que le projet contrevient aux normes de performance de la SFI, qui forment le socle des Principes de l’Équateur auxquels ont adhéré de nombreux organismes financiers.

Déclaration de BankTrack

« Au vu du quatrième rapport sur les risques, il est impensable qu’à l’image de Standard Chartered, certaines banques estiment encore que les risques de l’EACOP sont gérables et refusent de renoncer à le soutenir. Le dernier rapport montre que les risques de réputation, financiers et juridiques s’accentuent non seulement pour les conseillers financiers ou les banques et assureurs envisageant de participer au projet, mais aussi pour les organismes

financiers qui fournissent leurs services à TotalEnergies et à la CNOOC. Les membres de la communauté et les OSC d’Ouganda et de Tanzanie ont catégoriquement rejeté ce projet. Les organismes financiers doivent leur emboîter le pas. » – Henrieke Butijn, chercheuse et militante pour le climat, BankTrack

Le projet EACOP menace de déplacer des milliers de familles et d’agriculteurs de leurs terres, de dégrader gravement des ressources en eau essentielles et des zones humides (Sites Ramsar), et de traverser de nombreux points sensibles de la biodiversité. La résistance des communautés au projet a déjà conduit à de nombreuses violations des droits de l’homme.

Déclaration d’IDI

« Dans leur volonté d’obtenir l’approbation nécessaire, les partisans de l’oléoduc de pétrole brut d’Afrique de l’Est (EACOP) ont affirmé qu’il répond aux normes de performance de la SFI, alors qu’ils savent parfaitement qu’il n’en est rien. Le fait qu’un client de la SFI ait choisi de renoncer à l’EACOP l’an dernier à l’issue d’une évaluation des risques menée sous l’égide de la SFI en dit long sur sa soi-disant conformité avec ces normes. Toute banque signataire des Principes de l’Équateur souhaitant réellement respecter ses engagements environnementaux et sociaux doit tirer les enseignements du rapport sur les risques et retirer immédiatement son soutien. » – Coleen Scott, collaboratrice juridique et aux politiques, Inclusive Development International

Déclaration de StopEACOP

« Pour les investisseurs et organismes financiers susceptibles d’appuyer l’EACOP, les graves risques financiers et de réputation sont de plus en plus difficiles à ignorer, notamment en raison de la multiplication des manifestations internationales de solidarité en faveur de la campagne StopEACOP. Le monde prend fait et cause pour les personnes affectées par le projet et les activistes en première ligne, qui continuent de s’opposer résolument à l’EACOP et aux violations des droits humains qui en découlent. Nous avons bon espoir que d’autres organismes

financiers suivront l’exemple de ceux qui se sont engagés à ne pas apporter leur soutien financier au projet. En se joignant à nous, ils se rangeront du bon côté de l’histoire. » – Zaki Mamdoo, coordinateur de la campagne StopEACOP.

À PROPOS D’EACOP

EACOP serait le plus grand oléoduc chauffé du monde, s’étendant sur près de 1 443 kilomètres au cœur de l’Afrique de l’Est. Le projet a déjà provoqué le déplacement à grande échelle de communautés locales et présente de graves risques pour les environnements protégés, les sources d’eau et les zones humides en Ouganda et en Tanzanie, notamment le bassin du lac Victoria, dont des millions de personnes dépendent pour leur eau potable et leur production alimentaire. Au pic de production, ce projet pourrait générer jusqu’à 34 millions de tonnes d’émissions de CO2 par an, aggravant ainsi la catastrophe climatique.

Le 7 février de cette année, Inclusive Development International et 10 organisations de défense des droits de l’homme et de l’environnement en Ouganda et en Tanzanie, qui restent anonymes par crainte de représailles, ont déposé une plainte auprès du gouvernement américain, alléguant que le géant de l’assurance Marsh, basé à New York et membre du groupe Marsh McLennan, a violé les directives internationales en matière de conduite responsable des affaires en servant de courtier d’assurance pour le très controversé oléoduc de pétrole brut d’Afrique de l’Est (EACOP).

Depuis son lancement, le projet s’est heurté à l’opposition des communautés touchées le long du tracé de l’oléoduc et de leurs défenseurs, ainsi qu’à la campagne mondiale #StopEACOP qu’ils ont construite.

Ressources complémentaires :

  1. De nombreuses institutions financières, notamment des banques, des assureurs et des agences de crédit à l’exportation, ont déjà refusé de financer
    EACOP.
  2. En novembre 2022, l’assureur Britam Holdings a décidé de ne pas soutenir le projet EACOP après une évaluation des risques
  3. Le Parlement européen comndamne EACOP pour les violations des droits de l’homme qui lui sont associées en Ouganda et en Tanzanie.
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