Qui devrait payer un impôt sur la fortune?

Soyons clair·es : lorsque nous parlons d’un impôt sur la fortune, que ce soit au niveau français ou mondial, nous parlons d’un impôt sur les ultra-riches. Nous ne parlons pas du médecin ou du chef d’entreprise de votre quartier, mais des multimillionnaires et des milliardaires. De nombreux modèles d’impôt sur la fortune (ISF) sont à l’étude. En France, Greenpeace propose depuis 2020 la création d’un ISF climatique pour non seulement taxer les ménages au patrimoine supérieur à 1,3 million d’euros mais aussi leur contribution à l’urgence climatique, à la fois via leurs comportements et leurs investissements dans des entreprises polluantes.

Selon les récents calculs d’Oxfam France, rétablir l’ISF aboli par Emmanuel Macron en y ajoutant un volet vert permettrait de collecter 17 milliards d’euros de recettes par an. Au niveau mondial, la présidence brésilienne du G20 a commandité un modèle à l’Observatoire européen de la fiscalité qui montre qu’un impôt de 2% sur 3 000 milliardaires dans le monde générerait 250 milliards de dollars supplémentaires par an.

Pourquoi un impôt sur la fortune ? Y a-t-il d’autres impôts envisageables ?

Plusieurs d’entre vous nous ont demandé si nous envisageons de faire campagne sur d’autres types d’impôts. De nombreuses options sont sur la table, mais nous pensons qu’un impôt sur la fortune des ultra-riches est le meilleur moyen de débloquer des sommes d’argent considérables tout en s’attaquant aux inégalités dans notre société – en s’assurant que ce sont les personnes qui en ont les moyens et qui alimentent l’urgence climatique, qui paient la facture. Le poids des 500 plus grandes fortunes françaises a quasi-décuplé en 20 ans pour atteindre 1200 milliards d’euros en 2024. Par ailleurs, Oxfam a mis en évidence que les 1% les plus riches en France émettent en moyenne dix fois plus de CO2 par an par leur consommation que la moitié la plus pauvre des Français·es.

Aujourd’hui encore, quelques individus ultra-riches continuent de s’enrichir sur notre dos et celui de la planète, et nos gouvernements les laissent s’en tirer à bon compte. Il est temps de changer la donne!

Comment mettre en œuvre un ISF au niveau mondial?

Pour cela, il faudrait que les gouvernements se mettent d’accord sur un standard international: par exemple, que les 3 000 milliardaires du monde paient chaque année en impôt l’équivalent d’au moins 2% de leur fortune, comme le propose l’Observatoire européen de la fiscalité. Ensuite, ce serait à chaque gouvernement de décliner ce standard dans son propre pays.

Lors du Sommet du G20 sous présidence brésilienne qui se tiendra à Rio les 18 et 19 novembre prochains, les chef·fes d’État et de gouvernement vont étudier cette proposition. Jusqu’à maintenant, le Brésil et l’Espagne ont été les champions de la taxation des ultra-riches. Si la France s’est prononcée en faveur de l’initiative, le gouvernement s’est montré bien moins ambitieux dans sa proposition de budget pour 2025 en se contentant de suggérer la mise en place d’une contribution temporaire des plus hauts revenus, et non des plus grosses fortunes, aux efforts budgétaires. Les prochaines semaines sont cruciales pour appeler le gouvernement à être cohérent entre ses prises de position à l’international et son action au niveau national.

Pourquoi nous n’arrivons pas aujourd’hui en France, en Europe et dans le monde à taxer les plus riches?

Il y a plusieurs raisons. D’une part, les États utilisent souvent la fiscalité comme un levier pour améliorer leur compétitivité économique et attirer les investissements et les grandes fortunes. Ils craignent qu’augmenter les taux d’imposition entraînent un exil fiscal de leurs citoyen·nes les plus fortuné·es, ce qui ne se vérifie pas dans les faits.

D’autre part, les ultra-riches sont passés maîtres dans l’art de structurer leurs revenus et dissimuler leur fortune dans des sociétés-écrans ou des biens (résidence, voiture..) afin d’échapper à l’impôt sur le revenu. Résultat, en France: les milliardaires paient proportionnellement deux fois moins d’impôts sur leurs revenus globaux que les autres contribuables.

Il y a donc un vrai enjeu à améliorer la transparence, à la fois du capital détenu par les plus riches, mais aussi entre les pays pour mettre fin à la course du moins-disant fiscal.

Un impôt sur la fortune mais pour quoi faire ?

Cela pourrait rapporter des milliards d’euros nécessaires pour réduire l’écart immense entre les plus riches et les plus pauvres à travers le monde, et créer une société plus juste où chacun·e peut s’épanouir.

Les populations les plus touchées par les impacts du changement climatique dans des régions comme l’Amazonie, l’Afrique subsaharienne et les îles du Pacifique, préparent leur transition énergétique à l’aide de projets d’énergies renouvelables pilotés par les communautés locales. Figurant parmi les pays historiquement émetteurs, la France a une responsabilité historique de financer une partie de cette transition mais aussi la réponse aux impacts déjà subis par ces populations. Au lieu de prendre cet argent dans les poches des gens ordinaires qui sont également confrontés à l’inflation en France, cet argent devrait provenir des individus méga-riches qui sont également les plus grands pollueurs !

En France, une partie de cet argent devrait aussi servir à financer la transition vers des énergies renouvelables abordables, à améliorer l’efficacité énergétique, à développer de moyens de transport durables, à mieux isoler les logements en particulier occupés par les ménages les plus modestes,.. Nous voulons que les Français·es n’aient plus à choisir entre se nourrir et se chauffer. De plus, un impôt sur la fortune pourrait débloquer suffisamment d’argent pour accroître les investissements dans les services publics, comme la santé, l’éducation, et bien d’autres choses encore !

En quoi le Projet de Loi de Finances est une opportunité pour faire avancer la justice fiscale ?

Chaque année, en France, à partir du mois d’octobre, les responsables politiques débattent du Projet de Loi de Finances, c’est-à-dire le budget national pour l’année suivante, qui doit être publié au plus tard le 31 décembre. Proposé par le gouvernement, le texte constitué de deux parties, l’une dédiée aux recettes et l’autre aux dépenses, est passé au peigne fin par les parlementaires qui le modifient au fur et à mesure à l’aide d’amendements.

Cette année, le gouvernement a remis sa copie en proposant un effort budgétaire de 60 milliards d’euros dont ⅔ de coupes budgétaires et ⅓ de hausse des impôts en particulier pour les plus hauts revenus et les grandes entreprises. Nous avons choisi de nous mobiliser pour lutter contre cette politique d’austérité et dénoncer cette illusion de justice fiscale. Avec ATTAC et Oxfam France, nous défendons 7 mesures-clé dont le rétablissement de l’ISF aboli en 2018, et en y ajoutant un bonus-malus lié à l’empreinte carbone du patrimoine et des investissements financiers des plus riches, mais aussi une taxation pérenne des super-profits des multinationales comme TotalEnergies.

Il est urgent que le gouvernement et les parlementaires répondent aux aspirations d’une vaste majorité des Français·es en faveur d’une plus grande justice fiscale, tel que le révèle le récent sondage commandité par Oxfam.

Taxer les super-riches et les (grandes) entreprises polluantes est indispensable. Mais faut-il s’en contenter ?

Taxer les ultra-riches et les grandes entreprises polluantes est essentiel pour financer la transition écologique et lutter contre les inégalités, mais cette action seule ne suffira pas. Pour répondre aux besoins globaux et locaux, elle doit être complétée par des initiatives menées tant dans le Sud Global, comme le projet RePower Afrika de 350.org en Afrique de l’Est, qui promeut des solutions énergétiques durables adaptées aux besoins des communautés locales, qu’à travers des politiques publiques nationales renforçant nos services publics, soutenant l’éducation, la santé, et favorisant la transition écologique.

Ces efforts doivent aussi s’accompagner de réformes structurelles dans le Nord, de normes environnementales renforcées et de politiques économiques repensant nos modes de production et de consommation. Ensemble, et par une coopération internationale, nous pourrons réellement avancer vers une justice climatique inclusive et durable.

Incluez vous l’énergie nucléaire dans vos solutions pour la justice climatique ?

Non, nous considérons le nucléaire comme une distraction dangereuse dans la course contre la montre dans laquelle nous sommes engagés pour sauver le climat. En comparaison des énergies renouvelables, les infrastructures nucléaires sont très chères – plus de 50 milliards d’euros pour une centrale- et nécessitent un temps de construction extrêmement long: 10 ans pour une centrale nucléaire contre 1 à 4 ans pour les grands projets éoliens ou solaires.

De plus, les dangers du nucléaire sur l’environnement sont indéniables. Aucune méthode infaillible n’a encore été identifiée pour stocker les déchets radioactifs issus des réactions nucléaires pendant des centaines de milliers d’années, comme cela est requis. Souvent, ces déchets sont entreposés dans des zones d’habitation où se concentrent les populations à faibles revenus et des minorités, les exposant à un risque bien plus élevé de malformations congénitales ou de cancers. Les ressources en eau et la terre peuvent être contaminées par des substances radioactives, y compris suite à des catastrophes, comme dans le cas de Fukushima.

Nous ne pouvons pas soutenir une « solution » à l’urgence climatique si elle crée davantage de problèmes pour les générations futures. Nous ne devons pas passer d’un système défaillant à un autre.


Merci beaucoup pour toutes vos questions ! Nous les avons regroupées pour répondre au plus grand nombre. N’hésitez pas à nous en poser d’autres si vous le souhaitez et nous ajouterons les réponses à ce billet de blog dès que possible. 

Notre nouvelle campagne « Taxons leurs milliards » lancée cet été vise à obtenir la mise en place par les gouvernements d’impôts pérennes sur les ultra-riches et les géants des énergies fossiles. Participez en signant la pétition, en regardant la vidéo et en répondant au quiz !

— Fanny pour l’équipe 350.org France

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