Depuis qu’il a pris ses fonctions il y a six mois, Donald Trump a d’ores et déjà détricoté les mesures de protection de l’environnement, mis fin à la lutte contre le réchauffement climatique, tenté de mettre en place le « Muslim ban » et de donner carte blanche aux agents de l’immigration pour détenir et expulser les immigrants. Aujourd’hui, il propose d’installer des panneaux solaires sur son mur abject à la frontière du Mexique pour le financer !
On ose à peine y croire. Depuis qu’il a pris ses fonctions il y a six mois, Donald Trump a d’ores et déjà détricoté les mesures de protection de l’environnement, mis fin à la lutte contre le réchauffement climatique, tenté de mettre en place le « Muslim ban » et de donner carte blanche aux agents de l’immigration pour détenir et expulser les immigrants. Aujourd’hui, il propose d’installer des panneaux solaires sur son mur abject à la frontière du Mexique pour le financer !
Hors de question.
Cela me fait penser à « La servante écarlate », la série télévisée adaptée du roman dystopique de Margaret Atwood publié en 1985 (« The Handmaid’s Tale »). L’histoire se déroule dans la république de Gilead, une dictature militaire théocratique née de ce qui était autrefois les États-Unis et où la Constitution et le Congrès n’existent plus : le fascisme a gagné. Alors que la population mondiale diminue en raison du changement climatique et que la fertilité baisse fortement à cause d’un environnement de plus en plus toxique, les dirigeants de Gilead (uniquement des hommes blancs) restreignent drastiquement les droits des femmes et d’autres droits humains en vue de recréer la société, de faire baisser les émissions de dioxyde de carbone et d’assurer la reproduction de l’humanité.
Une scène en particulier m’a frappée : lors d’un dîner d’État donné pour les ambassadeurs étrangers (qui envisagent d’adopter le modèle des servantes écarlates pour régler leurs propres problèmes démographiques), l’épouse du Commandeur s’enorgueillit de la façon dont la république est parvenue à faire baisser les émissions. Elle demande ensuite que les enfants, mis au monde par les servantes écarlates mais élevés par l’État, soient amenés devant les ambassadeurs. Les servantes, qui n’ont aucun droit sur leur propre corps, sont obligées de rester à table et de regarder, les larmes aux yeux, défiler devant les officiels les enfants qu’elles ont été forcées d’avoir.
Les militants pour la justice climatique et les organisateurs de mouvements ont une leçon à tirer de cette histoire poignante, une leçon relative aux tactiques de cooptation de l’État.
Tandis que les entreprises, les États, les villes se dirigent vers une énergie propre et renouvelable (comme il se doit), les droits humains, la dignité et la justice doivent rester au cœur de ces appels en faveur de la transition. En déclarant de manière désinvolte qu’il serait ouvert à l’utilisation d’énergies renouvelables telles que le solaire sur son projet de mur, projet reposant sur l’idéologie de l’exclusion et, disons-le franchement, du nationalisme et du suprémacisme blancs, Trump se place aux antipodes de la transition socialement juste que nous voulons.
Nous avons besoin d’un élan de la part de tous les États américains pour bâtir un avenir propre et, déjà, un grand nombre d’États commencent à tirer parti de ce marché. Cependant, des États comme le Texas, alors même que les énergies renouvelables s’y développent plus rapidement qu’ailleurs dans le pays bien qu’ils soient gouvernés par les républicains, font passer des lois particulièrement abjectes en matière d’immigration et de droits reproductifs.
En mai, par exemple, le Texas a adopté une loi contre les villes dites « sanctuaires » (la Senate Bill 4, ou SB4), qui entrera en vigueur en septembre. Promulguée par le gouverneur Greg Abbott, cette loi sanctionne les shérifs, les chefs de police et autres responsables locaux qui refusent de coopérer avec les services fédéraux d’immigration et qui empêcheraient les officiers de demander aux individus leur statut d’immigrant.
Les parlementaires ont également proposé la Senate Bill 8, une mesure fourre-tout qui prévoit des restrictions sur l’avortement parmi les plus strictes que le Texas a connues depuis des années. La SB8 criminalise deux procédures d’interruption volontaire de grossesse et s’appliquerait uniquement aux médecins qui les pratiquent. Des lois anti-avortement, anti-droits reproductifs et anti-LGBT similaires ont été proposées et adoptées dans de nombreux États républicains qui investissent dans les énergies renouvelables.
Dans l’Oklahoma, un autre État qui investit dans les énergies propres, un parlementaire a récemment émis l’idée que l’expulsion d’enfants sans papiers (ou, selon ses propres mots, « 82 000 élèves non anglophones ») permettrait aux écoles publiques d’économiser des millions de dollars. Une mesure de plus sur la longue liste d’actions anti-immigration dans l’Oklahoma, notamment la loi HB1804 promulguée en 2007, qui a instauré plusieurs restrictions destinées, d’une part, à limiter l’accès des sans-papiers à l’emploi et aux services publics et, d’autre part, à étendre le pouvoir de l’État et des forces de l’ordre locales en les autorisant à demander aux gens quel est leur statut d’immigrant.
Faute d’action fédérale en faveur du changement climatique, nous avons absolument besoin que ces États redoublent d’efforts et fassent avancer la transition vers les énergies renouvelables. Mais la vraie justice climatique signifie s’engager dans une vision globale de l’avenir, une vision ancrée dans les droits des immigrants, la justice raciale, la liberté de procréation et la dignité et la justice pour tous. Nous luttons contre le changement climatique parce qu’il aggrave les injustices. Nos solutions ne peuvent pas aller de pair avec des actes d’injustice. C’est là toute la signification d’une transition socialement juste : cela ne signifie pas utiliser les énergies propres dans une stratégie d’exclusion ou d’oppression. Et cela ne signifie certainement pas soutenir le mur de Trump.
À propos de l’auteur : Thanu Yakupitiyage est responsable de la communication de 350.org aux États-Unis. En plus de son travail pour la justice climatique, Thanu milite depuis longtemps pour les droits des immigrants. Basée à New York, elle est également professionnelle des médias et organisatrice d’événements culturels.