Cinq marées noires majeures se sont produites à travers le monde entre le 20 décembre 2021 et le 4 février 2022, affectant les moyens de subsistance de milliers de personnes, des zones protégées, des territoires autochtones et menaçant des écosystèmes. L’industrie des énergies fossiles fait des ravages sur la planète depuis assez longtemps ; et comme l’ont montré ces deux derniers mois, elle laisse souvent derrière elle des paysages de destruction absolue dans les pays du Sud, tout en affichant sans vergogne des bénéfices records auprès de ses riches investisseurs dans les pays du Nord. Alors que les populations se demandent quand les écosystèmes qui assurent leur subsistance se rétabliront, et si et quand elles recevront une compensation pour leurs pertes et dommages, il est temps pour nous d’exiger la fin des énergies sales et des profits réalisés sur le dos des plus pauvres.

Argentine, 10 décembre 2021

Un oléoduc éclate dans la province du Rio Negro en Argentine, avec pour résultat l’enlèvement du contenu de trente camions de terre contaminée sur le site. La marée noire a été qualifiée de « pire désastre de ce type depuis les dix dernières années », ce qui a poussé 350.org à déposer une requête auprès du Secrétariat à l’environnement et au climat de la province pour que l’incident fasse l’objet d’une enquête pour crime contre l’environnement. 

L’oléoduc appartient à la société argentine Oleoductos del Valle (Oldelval), et transportait du pétrole venant de la province de Neuquen, où plusieurs autres multinationales de l’industrie des énergies fossiles comme Shell, Equinor, Total et Wintershall poursuivent des opérations minières et de fracturation hydraulique.

Une évaluation récente menée par le secrétariat local à l’environnement a montré que, pour la seule année 2018, au moins 934 «  incidents de pollution » dans la province de Neuquen ont été causés par des activités liées au pétrole et au gaz.

Un grand nombre de sociétés des énergies fossiles basées en Europe, dont Shell et TotalEnergies, pratiquent la fracturation hydraulique dans la région de Vaca Muerta en Argentine. Les champs de Vaca Muerta abritent les peuples autochtones Mapuche, qui s’opposent à l’extraction de pétrole et de gaz sur leurs terres. Alors que la fracturation est pour l’essentiel interdite en Europe, ces entreprises, bénéficiant du soutien financier de banques telles que HSBC, Barclays, Deutsche Bank, le Crédit Suisse et BNP Paribas, continuent d’engranger des bénéfices grâce à l’exploitation des énergies fossiles en Amérique latine.

Pérou, 15 janvier 2022

Le président péruvien Pedro Castillo décrit cette marée noire comme la «  pire catastrophe écologique de l’histoire récente du Pérou ». Les 11 900 barils de pétrole qui se sont déversés dans la raffinerie de Pampilla, gérée par la compagnie pétrolière espagnole Repsol, ont suscité des demandes de dédommagement pour les pertes et dommages causés : les moyens de subsistance de centaines de familles de pêcheurs, et d’‘importants dommages à la flore et à la faune dans deux zones protégées. L’incident s’est produit lors du déchargement d’un pétrolier près de Lima, la capitale péruvienne. Et pourtant, un porte-parole de Repsol a réfuté toute responsabilité de la société.

Une enquête est ouverte afin de déterminer l’implication de Repsol dans l’incident et le ministère de l’Environnement a indiqué que la société pourrait se voir infliger une amende allant jusqu’à 34,5 millions USD. Un juge a interdit à quatre dirigeants de Repsol de quitter le pays pour 18 mois, tant que l’enquête se poursuit.

Plus tard en janvier, huit autres barils de pétrole brut se sont déversés pendant le processus de nettoyage du précédent déversement.

Thaïlande, 25 janvier 2022

Dans la province thaïlandaise de Rayang, une marée noire s’est produite à partir d’un oléoduc sous-marin appartenant à la société thaïlandaise Star Petroleum Refining PLC, détenue majoritairement par la société américaine Chevron. Entre 20 000 et 50 000 litres de pétrole se seraient déversés dans l’océan, les experts signalant que le déversement pourrait avoir des effets désastreux sur les écosystèmes sous-marins fragiles et sur les moyens de subsistance des populations locales dans le parc national voisin de Kaho Laem Ya-Koh Samet, à 25 kilomètres du lieu de la catastrophe.

La quantité exacte de pétrole qui aurait été déversée n’est pas déterminée, les estimations initiales de 400 000 litres ayant été réduites à « entre 20 et 50 000 » dans les communiqués de presse de la compagnie pétrolière. En 2013, 50 000 litres de pétrole brut avaient fui dans la même zone, tuant un quart de la vie marine, les écosystèmes mettant plus de cinq ans à se rétablir.

Équateur, 31 janvier 2022 

6 300 barils de pétrole se sont déversés dans une réserve naturelle de la région amazonienne de Puerto Madero, en Équateur, après que de fortes pluies ont provoqué la chute d’un rocher sur un oléoduc. La compagnie pétrolière OCP a déclaré que plus de 84 % du pétrole brut déversé a été récupéré, mais le pétrole a fait son chemin jusqu’à la rivière Coca qui fait vivre de nombreuses communautés autochtones de la région ainsi que la faune et la flore locales. En 2020, l’oléoduc d’OCP ainsi que l’oléoduc SOTE, propriété de l’État équatorien, se sont rompus en raison de l’érosion, ce qui a également affecté la rivière Coca.

Nigéria, 4 février 2022

Le 4 février, le Trinity Spirit, un navire de production et de stockage de pétrole a explosé au large des côtes nigérianes, laissant sept des dix membres d’équipage à bord portés disparus. Le navire peut stocker deux millions de barils de pétrole brut et produire 22 000 barils par jour.

Le Nigéria est le plus gros producteur de pétrole en Afrique, l’État du Delta représentant la majorité des revenus pétroliers du pays. Le mois dernier, les habitants de l’État de Bayelsa au Nigeria ont exigé que le gouvernement prenne des mesures après qu’une marée noire a affecté les populations et les écosystèmes pendant plus d’un mois. Selon le ministère nigérian de l’environnement, plus de 5 000 déversements de pétrole ont été recensés au cours des six dernières années au Nigeria.

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