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Objet : Soutien financier au projet gazier de Total en Arctique (Arctic LNG 2)

Monsieur Le Président de la République Palais de l’Elysée 55 Rue du Faubourg Saint-Honoré 75 008 Paris

Paris, le 30 juillet 2020

Copie à Monsieur le Premier Ministre, Madame la Ministre de la transition écologique, Monsieur le Ministre de l’Economie et des Finances et Monsieur le Ministre de l’Europe et des Affaires étrangères

Monsieur le Président de la République.

Les ONG signataires de ce courrier sont très inquiètes du potentiel soutien financier de la France au mégaprojet gazier en Arctique (Arctic LNG 2) via l’octroi d’une garantie publique pour le commerce extérieur. Ce projet, dont Total est actionnaire et pour lequel TechnipFMC a décroché un contrat, comporte des risques majeurs sur le plan environnemental et climatique, en totale contradiction avec vos engagements internationaux pour la protection de la biodiversité et le respect des objectifs de l’Accord de Paris. Le développement des infrastructures de gaz naturel liquéfié dans l’Arctique russe est stratégique pour Pékin dans le cadre des nouvelles routes de la Soie. L’Arctique doit être préservé et non devenir une autoroute maritime polaire servant les intérêts géopolitiques sino-russes. En prévision de son passage imminent en commission des garanties et du crédit au commerce extérieur, nous vous demandons de vous saisir de ce dossier au plus vite.

Un projet à contre-sens de l’urgence climatique

L’exploitation des hydrocarbures en Arctique enfonce cette région dans un cercle vicieux, alors qu’elle est déjà le théâtre des impacts du dérèglement climatique comme le témoignent les feux de forêts ravageant actuellement la Sibérie. L’exploitation croissante de ces ressources, facilitée par la fonte des glaces, contribue à la hausse de la température qui se répercute sur le niveau de glaciation. La fonte accélérée de la banquise et du permafrost libère à son tour d’énormes quantités de méthane, gaz à effet de serre au pouvoir réchauffant 86 supérieur au CO2​ ​sur une période de 20 ans.

Contrairement aux affirmations des majors comme Total prétendant que le gaz serait une énergie de transition, la communauté scientifique est unanime : il n’y a pas de place pour explorer de nouvelles réserves de gaz dans le budget carbone mondial nous permettant de maintenir l’augmentation globale de la température en dessous de +1,5°C. Le Programme des Nations Unies pour le Développement a démontré que les prévisions de production de gaz en 2040 dépassent déjà de 47 % les niveaux compatibles avec un réchauffement de 2°​ ​C. (1) Soutenir financièrement le projet Arctic LNG 2, ayant pour objectif de produire à terme 535 000 barils équivalent pétrole par jour, serait ainsi une position intenable pour le Gouvernement français censé vouloir « ​gagner la bataille pour le climat, la protection de la Nature et la biodiversité​ ». (2)  Une telle décision contreviendrait aux objectifs du plan de relance « ​vert​ », que votre Premier ministre a qualifié d’«​accélérateur puissant de la transition écologique​ ». Un projet qui ne ferait qu’aggraver les impacts environnementaux et sociaux désastreux de Yamal LNG.

 

En face des futurs terminaux d’Arctic LNG 2 se trouve ceux du mégaprojet Yamal LNG, déjà soutenu par la France en 2017 via une garantie à l’exportation de 350 millions d’euros pour le contrat de Technip malgré les sanctions commerciales que l’Etat a lui-même contribué à imposer. Le dragage du golfe de l’Obe et la construction d’installations portuaires par Total et ses partenaires pour réaliser Yamal LNG et faire passer les méthaniers dans l’estuaire ont provoqué des dégradations environnementales irréversibles : augmentation de la salinité de l’eau et déstabilisation des écosystèmes marins, effondrement des stocks de poissons – véritable menace pour la sécurité alimentaire des communautés locales – disparition de plusieurs espèces marines endémiques.(3)(4) La construction des infrastructures pour Arctic LNG 2 ainsi que l’augmentation du trafic maritime qui y sera associé ne feront qu’aggraver ces problèmes. Soutenir ce projet serait à contresens des engagements que vous avez fait prendre aux transporteurs maritimes lors du G7 à Biarritz en 2019 pour qu’ils n’empruntent pas la route du Nord. Comme vous l’avez déclaré à la presse à cette occasion, « ​utiliser cette route nous tuerait ». (5)

Anticiper la reconversion du secteur plutôt que de le soutenir à tout prix

Au-delà des intérêts de Total, la question des emplois dans le secteur parapétrolier et -gazier en France émerge dès qu’il s’agit de mettre fin aux aides à l’exportation, dont certaines entreprises comme TechnipFMC dépendent. Les pouvoirs publics devraient aujourd’hui s’atteler à construire une stratégie de transition juste pour les salariés du secteur, au lieu de soutenir à bout de bras des entreprises à la viabilité économique chancelante, en les aidant à décrocher des contrats sur des projets du passé. Concernant Arctic LNG 2, il est d’autant plus important de préciser que Novatek prévoit d’augmenter la part des emplois occupés par des travailleurs russes en comparaison à Yamal LNG, posant ainsi la question du nombre d’emplois soutenus en France à travers cette potentielle aide financière.

Monsieur le Président de la République, faire le choix de soutenir l’exploration et le transport de gaz dans l’Arctique russe entrerait en totale contradiction avec vos précédentes déclarations et engagements internationaux à plusieurs égards. A quelques semaines du Sommet international Finance in Common, vous conviendrez d’admettre qu’il serait « ​incohérent » et « irresponsable​ » pour la France – en tant que pays hôte – de soutenir Arctic LNG 2 et tout autre projet polluant via des financements export, comme vous l’aviez vous-même souligné à la tribune des Nations Unies en septembre 2019.(6)

 

Nous sollicitons ainsi une entrevue avec vos équipes afin d’échanger sur ce projet et plus généralement sur la fin des financements export dans le secteur des hydrocarbures en vue du passage au Parlement du projet de loi de finances 2021 et du Sommet Finance In Common,

Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de notre très haute considération.

Clémence DUBOIS, Responsable France pour 350.org

Cécile DUFLOT, Directrice d’Oxfam France

Jean-François JULLIARD Président de Greenpeace France

Gilliane LE GALLIC, Présidente d’Alofa Tuvalu

Khaled GAIJI, Président des Amis de la Terre France

Lucie PINSON, Directrice de Reclaim Finance

Philippe QUIRION, Président du Réseau Action Climat

Arnaud SCHWARTZ, Président de France Nature Environnement

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