Photo Aug 03, 3 19 17 PMPhoto by Rae Breaux

Des douzaines de personnes de différentes Premières Nations Anishinaabe du Traité no 3 ont entamé dimanche dernier une marche d’une semaine suivant 125 km du tracé de l’oléoduc Énergie Est entre l’Ontario et le Manitoba afin de faire entendre leur opposition au projet de TransCanada. Commencée le même jour que le déclenchement des élections fédérales, cette marche représente une nouvelle vague de contestation envers le plus grand projet d’oléoduc en Amérique du Nord.

À cadence de 30 km par jour le long de l’autoroute transcanadienne, les aînés, jeunes, femmes et hommes Anishinaabe marchent pour porter un message d’unité autour de la protection de l’eau pour les générations futures – un seau de cuivre contenant de l’eau de différents rivières, ruisseaux et lacs du territoire les accompagne, transporté par une femme ouvrant le pas au groupe. Du pow-wow d’Eagle Lake dans le nord de l’Ontario à celui de Shoal Lake à quelques kilomètres de Winnipeg où se termine la marche aujourd’hui, les marcheurs honorent les cours d’eau traversés qui seraient menacés par Énergie Est et sensibilisent les communautés sur le passage de l’oléoduc.

Si la démarche est sacrée, elle est fermement ancrée dans la revendication des droits autochtones. « L’eau est l’essence même de la vie », explique Fawn Wapioke, Chef de Shoal Lake 39 et mère de famille qui réalise la marche en entier avec ses enfants. « Nos lois et nos valeurs Anishinaabe nous guident dans notre compréhension du projet Énergie Est. C’est pourquoi nous disons non au projet », ajoute-elle.

L’oléoduc de TransCanada acheminerait 1,1 million de barils par jour de pétrole issu des sables bitumineux jusqu’à un terminal d’exportation au Nouveau Brunswick. Sur cette portion du tracé à la frontière entre l’Ontario et le Manitoba, il s’agit de convertir un ancien gazoduc de 43 ans en oléoduc. Les craintes sont élevées quant aux dangers portés à l’eau – plus tôt cet été, un rapport avait fait état des hauts risques en cas de rupture, notamment pour les terres agricoles et pour l’eau potable de la ville de Winnipeg, dont l’approvisionnement provient du lac Shoal.

Le respect des traités au cœur de l’opposition à l’oléoduc

Dans un contexte qui rappelle la constante violation des traités signés par la couronne avec les Premières Nations au Canada, l’accès à l’eau est ici profondément une question de justice environnementale. Dans la Première Nation Shoal Lake 40 – où la capitale du Manitoba puise son eau potable de qualité – un avis d’ébullition de l’eau est en vigueur depuis 17 ans. Non seulement Shoal Lake 40 a été inondée il y a un siècle pour pouvoir construire l’aqueduc, mais elle demeure aujourd’hui encore coupée du reste de la province alors qu’Ottawa refuse de faire sa part pour construire une route de 23 km nommée la « Freedom Road ». L’aqueduc de Winnipeg et la source d’eau de Shoal Lake se trouvent tous deux sur le passage d’Énergie Est. Grassy Narrows, pour sa part, fait face à un grandissant taux de contamination au mercure de l’eau de son territoire, avec de sévères conséquences pour la santé et la pêche locale. Dans de telles conditions, un projet comme Énergie Est semble ajouter l’insulte à l’injure.

Cette région du pays est devenue un des lieux importants pour décider de l’avenir du projet d’oléoduc. À peine quelques jours avant le début de la marche, TransCanada a signé une entente d’engagement de plus de 700 000 $ avec le Grand Conseil du Traité no 3, qui inclut une clause empêchant le Grand Conseil d’appuyer quiconque proteste contre le projet. Il est cependant rappelé que l’entente ne constitue pas un consentement au projet et qu’en aucun pas elle ne peut se substituer à un réel processus de consultation avec les 21 Premières Nations représentées par le Grand Conseil du Traité no 3 – une démarche qui revient au gouvernement fédéral du Canada.

Un projet qui cherche à voir le jour

Depuis qu’il a été proposé, l’oléoduc Énergie Est de TransCanada n’a cessé de faire face à des embuches. Présentement à l’examen par l’Office national de l’énergie (ONÉ), les derniers mois ont été marqués par une opposition de plus en plus forte tout le long du tracé notamment à Cacouna au Québec et à Saint John au Nouveau Brunswick – deux endroits clés pour l’oléoduc. Ces événement ont entrainés des délais considérables et une augmentation importante des coûts du projet qui tarde à recevoir l’acceptation sociale que TransCanada souhaite tant obtenir.

Outre les dangers posés aux cours d’eau, Énergie Est est un fiasco au niveau du climat car le projet engendrerait l’augmentation de la production des sables bitumineux en Alberta alors que les scientifiques ont établi clairement la limite: nous ne pouvons pas nous permettre d’exploiter davantage cette ressource – dont 85 % de réserves doivent rester dans le sol – sans causer l’emballement des changements climatiques. À cela s’ajoute la dévastation des territoires Autochtones qui se trouvent trop souvent aux premières lignes des désastres écologiques, comme le rappelle le déversement de 5 millions de litres survenu le mois dernier près de Fort McMurray.

À l’heure où la campagne des élections fédérales débutent, il est temps pour tous les partis au Canada d’écouter ce que les marcheurs Anishinaabe ont à dire et de prendre une position claire sur Énergie Est – rappelons que l’oléoduc traverse 180 Premières Nations dans le pays. Par leur force, résilience et détermination, ceux et celles qui terminent leur périple d’une semaine afin de protéger notre plus précieuse ressource nous montrent la voie à suivre : un refus ferme de l’oléoduc pour faire place à de nouvelles relations, en commencant avec une réelle volonté de faire respecter les traités et les droits autochtones au Canada.

La marche Anishinaabe pour l’eau termine le 8 août à Shoal Lake. Pour soutenir la marche, visitez https://anishinaabewaterwalk.causevox.com/

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