Il y a quelques semaines, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) a accordé un prêt de 500 millions de dollars US pour financer le gazoduc transanatolien (TANAP), un maillon du corridor gazier sud-européen, le plus grand et le plus coûteux des projets fossiles jamais mis en œuvre en Europe. Si cette décision était inévitable, elle n’en est pas moins consternante. Elle est d’autant plus difficile à avaler que des centaines de personnes ont perdu la vie à cause des phénomènes météorologiques de plus en plus extrêmes qui ont secoué l’Europe cette année : les feux de forêt qui ont ravagé le Portugal, la sécheresse et les inondations qui ont dévasté l’Italie et, pour la première fois, un ouragan qui a menacé de frapper le Vieux Continent.
Ajoutez à cela que la banque publique a décidé d’utiliser l’argent des contribuables pour financer le projet énergétique le plus sale d’Europe deux semaines seulement avant la COP23 en Allemagne, où les gouvernements du monde entier présenteront leurs plans de mise en œuvre de l’accord de Paris. Tout cela commence à ressembler à un doigt d’honneur.
La BERD prétend que le corridor gazier sud-européen améliorera la sécurité énergétique de l’Europe, en réduisant sa dépendance vis-à-vis du gaz russe, et qu’il contribuera même aux efforts de réduction des émissions. D’après la Banque, le fait d’injecter 500 millions de dollars de fonds publics dans un nouveau gazoduc géant permettra de « proposer un bouquet énergétique plus varié aux consommateurs des Balkans et de l’Europe du Sud-Est, mais aussi de réduire significativement les émissions de CO2 grâce au remplacement de centrales à charbon obsolètes ». Sauf que plusieurs sociétés russes ont déjà signé des contrats pour envoyer leur gaz en Europe via le gazoduc transanatolien et que la BERD a totalement omis de réaliser une analyse des retombées climatiques.
Et ce n’est pas tout ! Autre institution bancaire publique, la Banque européenne d’investissement (BEI) prévoit elle aussi de débloquer un prêt de 2 milliards de dollars pour financer une autre section du même projet, connue sous le nom de gazoduc transadriatique ou TAP. Il s’agit du montant le plus important jamais octroyé par la banque, et c’est dans un projet fossile que celle-ci a choisi de l’investir. La décision pourrait être prise durant la prochaine réunion du conseil d’administration prévue le 14 novembre prochain, pendant la COP23.
Étant donné la nocivité croissante de ce projet, il se pourrait que la banque essaie de repousser cette décision dans l’espoir que l’annonce passe inaperçue dans les profondeurs de l’hiver. Il est de notre devoir collectif de veiller à ce que toute décision prise en ce sens soit médiatisée. Si le projet obtient le feu vert, nous devrons aider les communautés locales à s’assurer qu’il ne voie jamais le jour. Le blocage est une méthode efficace. C’est en retardant la construction de toutes les manières possibles que nous avons réussi à enterrer le projet d’oléoduc Énergie Est.
« Il faut comprendre que les entreprises ont besoin des banques pour financer leurs projets fossiles, mais que les banques n’ont pas besoin des projets fossiles pour faire des bénéfices. En stoppant les financements, on stoppe les projets de pipeline. »
Matt Remle (Lakota), Mazaska Talks
Nous allons continuer d’appeler les autorités européennes à la raison pour qu’elles cessent de développer de nouveaux projets fossiles, mais nous ne pouvons pas nous appuyer sur cette seule approche. Nous devons trouver de nouvelles façons de mobiliser un maximum de personnes indépendamment de la distance qui les séparent des projets d’infrastructure dénoncés.
Les Amérindiens ont déjà commencé à montrer l’exemple avec la campagne « Divest the Globe », 3 journées d’actions axées sur les financements accordés par les banques de détail aux plus grands projets fossiles dans le monde.
Bank of America shut down in Seattle #MazaskaTalks #DivestTheGlobe pic.twitter.com/qcVW3HKaGp
— Matt Remle (@wakiyan7) October 23, 2017
Contrairement aux banques publiques, les banques de détail privées sont présentes dans toutes les communautés. Elles sont sensibles à l’opinion publique et cherchent à préserver une bonne image pour pouvoir attirer de nouveaux clients. Ouvertes au public et facilement accessibles, elles constituent par conséquent le talon d’Achille de la forteresse bancaire qui finance les projets fossiles.
Le moment est venu de s’organiser et de mettre un terme au financement massif des énergies fossiles. Nous devrons être coordonnés. Nous devrons être présents dans toutes les communautés. L’organisation d’actions à l’encontre des banques formera probablement une partie importante de notre stratégie de déstabilisation. Vous êtes prêt.e ?
Tim (@carbontrouble)
#NoTAP #DefundTAP