Comment et pourquoi les ultra-riches doivent
financer l’action climatique

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Pourquoi taxer les milliardaires pour répondre à l’urgence climatique ?

Taxer les fortunes destructrices autant sur le plan social qu’écologique devrait être une évidence. Les mesures à adopter de toute urgence afin que le monde soit principalement alimenté par des énergies renouvelables plus abordables et propres et que notre consommation énergétique diminue, nécessitent des investissements publics considérables. Cependant,  les pays du Nord ne sont toujours pas à la hauteur. Le débat sur la responsabilité du financement de l’action climatique fait rage dans de nombreux pays à travers le monde. L’une des solutions les plus claires et les plus simples à ce problème consiste à contraindre les plus riches à contribuer financièrement par le biais d’un impôt sur la fortune. Ainsi, non seulement les gouvernements pourraient réunir les milliers de milliards nécessaires à la lutte contre l’urgence climatique, mais ils pourraient également réduire les inégalités entre les plus riches et les plus pauvres. 

 

La question du financement de l’action climatique fait actuellement l’objet d’une guerre culturelle qui s’étend à toute l’Europe et au-delà. L’extrême-droite climatosceptique manipule le débat public partout dans le monde en affirmant que les citoyen·nes « ordinaires » devront supporter le coût de mesures telles que la construction de panneaux solaires ou l’installation de pompes à chaleur. C’est tout simplement faux. Déterminer qui doit payer ne relève pas de la fatalité, mais d’un choix, et les ultra-riches peuvent et doivent être contraints à contribuer. Les milliardaires et les multi-millionnaires paient souvent beaucoup moins d’impôts qu’ils ne le devraient, tout en contribuant de manière disproportionnée à l’urgence climatique qui touche le plus sévèrement les personnes les plus pauvres, à la fois dans les pays riches et dans les pays les plus vulnérables au changement climatique. Un impôt sur la fortune permettrait de débloquer des ressources nécessaires pour faire face à l’urgence climatique et à l’augmentation du coût de la vie. Cela pourrait contribuer à nous fournir une énergie renouvelable plus abordable, à faire en sorte que nos logements soient sûrs et suffisamment chauffés, nos déplacements moins chers et plus pratiques, et notre air et notre eau plus propres. En outre, il permettrait d’accorder aux nations les plus pauvres du monde les financements promis depuis longtemps afin qu’elles puissent réparer et prévenir les dégâts climatiques qu’elles subissent et accélérer leur transition vers les énergies renouvelables. 

 

Le temps de la procrastination, des boucs émissaires et des excuses est révolu. Près de dix ans après la signature de l’Accord de Paris, les pays riches continuent de manquer à leurs engagements et n’assurent même pas le minimum nécessaire chaque année pour réparer et prévenir les dommages climatiques, construire des infrastructures résistantes au changement climatique ou encore développer les énergies renouvelables à l’échelle et à la vitesse requises par l’urgence climatique. Trop souvent, les chef·fes d’État de gouvernement, dont un grand nombre est sous influence du lobbying des milliardaires, ont choisi l’austérité plutôt que l’action. En outre, plutôt que de faire les choix politiques nécessaires pour que les enfants puissent manger à leur faim, que les citoyen·nes bénéficient de services de santé de qualité et puissent chauffer leurs logements, nombre de ces responsables politiques ont rejeté la responsabilité d’un système économique défaillant et de problématiques sociales alimentées par les inégalités sur les groupes marginalisés tels que les immigré·es et la communauté LGBTQIA+. C’est à la fois faux et désastreux.

 

Pourtant, ce sont les ultra-riches, qui accumulent des fortunes colossales, ont recours à des stratégies d’évasion fiscale et exploitent les travailleurs et travailleuses ordinaires qui sont l’une des raisons pour lesquelles notre système économique ne fonctionne pas. De leur côté, les patrons de l’industrie fossile et d’autres entreprises extrêmement polluantes ont provoqué et aggravé la crise climatique par leurs actions de lobbying et leur refus de faire évoluer leurs pratiques. Pour avancer dans la bonne direction, il est urgent d’adopter des mesures pour  taxer leur richesse excessive, destructrice et illégitime. Les milliardaires mentionnés dans ce document ne représentent que la partie émergée de l’iceberg. Toutefois, ils illustrent parfaitement une classe d’ultra-riches qui a agi en toute impunité jusqu’à présent et causé de nombreux problèmes qui doivent à présent être traités, tout en nous offrant aux personnes qui se mobilisent pour plus de justice climatique, une occasion d’opérer de profonds changements bénéfiques à toute la société .

« Il est impossible de lutter sérieusement contre le réchauffement climatique sans une redistribution profonde des richesses, à l’intérieur des pays comme à l’échelle internationale ».

THOMAS PIKETTY
Professeur d’économie, École des hautes études en sciences sociales.

Pourquoi ces milliardaires ?

Aucun des milliardaires cités dans le présent rapport ne paie la même proportion d’impôts que les citoyen·nes ordinaires dans leur pays. Six de ces milliardaires sont originaires du Royaume-Uni, de France et d’Allemagne, les trois pays les plus riches d’Europe. Deux d’entre eux viennent du Brésil, pays dont le gouvernement mène actuellement la bataille en faveur d’une «taxe sur les milliardaires» dans le cadre du G20, et accueillera les négociations cruciales des Nations unies sur le climat en 2025. Certains de ces milliardaires pratiquent l’évasion fiscale ou y ont eu recours pendant au moins une partie de leur vie.

La plupart de leurs revenus, dont ils se servent pour acheter des biens immobiliers et d’autres actifs, proviennent du capital, et non du travail. Nombre d’entre eux utilisent des sociétés écrans et des paradis fiscaux, tandis que d’autres ont déménagé à l’étranger afin d’échapper à l’impôt. Certains de ces ultra-riches utilisent leur fortune pour tenter d’influencer la politique ; d’autres pour échapper aux réglementations en matière de pollution et d’émissions, alors que d’autres encore se servent du pouvoir que leur confère leur fortune pour faire pression sur les personnes qui travaillent pour eux.

En d’autres termes, ils fraudent tous le système d’une manière ou d’une autre, en utilisant les niches fiscales pour éviter de payer autant d’impôts que le reste des citoyen·nes, et en se servant de leur richesse pour contourner les processus et les décisions démocratiques. En parallèle, leurs investissements et leur mode de vie détruisent la planète. Ces huit milliardaires ne sont qu’un avant-goût des 2 781 milliardaires qui existent à travers le monde et illustrent l’absolue nécessité d’un impôt sur la fortune pour les ultra-riches.

Jim Ratcliffe

Gaz de schiste, plastiques et produits chimiques

Qui est Jim Ratcliffe ?

Jim Ratcliffe est le président et fondateur du groupe INEOS Ltd, un conglomérat multinational spécialisé dans le pétrole, le gaz et les produits pétrochimiques. INEOS est la onzième entreprise chimique au monde. En 1998, Jim Ratcliffe a racheté Inspec, l’entreprise qu’il avait cofondée, ainsi que l’ancien site chimique de BP à Anvers qu’il louait, afin de créer INEOS. Dès lors, l’entreprise a mis en place un modèle consistant à racheter des usines chimiques à des entreprises qui souhaitaient s’en séparer, telles que ICI et BP, imposant des mesures sévères de réduction des coûts, en s’attaquant aux syndicats, et en pratiquant l’évasion fiscale.

 

Position sur la liste des personnes les plus riches du monde 

Ratcliffe occupe la 111ème place du classement 2024 des milliardaires du monde établi par Forbes.  Selon le même magazine, il occupe la deuxième place au Royaume-Uni, et la quatrième selon le Sunday Times, qui évalue la fortune du magnat de la chimie à 23,5 milliards de livres sterling (28 milliards d’euros).

 

Attitude à l’égard de l'impôt

En 2019, Ratcliffe a payé 110 millions de livres sterling (132 millions d’euros) d’impôt sur le revenu. Cette somme semble conséquente, mais elle ne représente que 0,59 % de sa fortune cette année-là. Il s’est ensuite installé à Monaco, un paradis fiscal, et ne paie donc aucun impôt au Royaume-Uni.

En 2010, suite à un différend avec le gouvernement travailliste quant à l’obtention d’un délai de grâce pour une facture de TVA de 350 millions de livres sterling (420 millions d’euros), M. Ratcliffe a transféré INEOS à Rolle, en Suisse. On estime que ce transfert aurait permis à l’entreprise d’économiser 100 millions de livres sterling d’impôts par an (120 millions d’euros). En 2016, INEOS est revenue au Royaume-Uni suite à des réductions de l’impôt sur les sociétés décidées par le gouvernement, mais l’impôt payé par la société n’est passé que de 39 à 67 millions de livres sterling (soit 47 à 82 millions d’euros).

En 2019, le cabinet comptable PwC, lui-même sous le feu des critiques pour ses pratiques d’évasion fiscale, a menacé de mettre un terme à ses fonctions d’auditeur d’INEOS en raison de son projet d’évasion fiscale à grande échelle. Ce projet, imaginé par Ratcliffe et d’autres hauts dirigeant·es d’INEOS, leur aurait permis de sortir des milliards d’euros de l’entreprise sans payer d’impôt ni sur les plus-values ni sur le revenu. Sir Vince Cable, alors chef de file des libéraux-démocrates, a déclaré que des personnes comme M. Ratcliffe « [...]considéraient l’impôt comme un acte purement volontaire».

 

Et alors, ça gaze ? 

En 2014, M. Ratcliffe a déclaré qu’il souhaitait lancer une «révolution du gaz de schiste»au Royaume-Uni, ce qui lui a rapidement valu la réputation de développer une approche de la fracturation hydraulique basée sur les pots-de-vin et les bulldozers. En 2017, il envisageait de procéder à de la fracturation dans l’emblématique forêt de Sherwood et menaçait l’organisme National Trust de poursuites judiciaires en cas de refus de fracturation sur ses terres dans le Nottinghamshire. En 2018, INEOS a refusé de renoncer à  forer dans le Parc national des North Moors. Après la réintroduction du moratoire sur la fracturation en octobre 2022 par le gouvernement britannique, INEOS s’est tournée vers le Texas et a déboursé 1,2 milliard de livres sterling (1,4 milliard d’euros) pour l’achat de 2 300 puits de pétrole et de gaz auprès du foreur américain Chesapeake Energy en février 2023.

 

Bombes carbone, eau contaminée et air pollué 

INEOS est également à l’origine du plus grand projet européen dans le domaine du  plastique, répondant au nom sinistre de «One Project» à savoir une usine de fracturation hydraulique à Anvers qui constitue selon ClientEarth une «bombe carbone » qui nuira à la santé humaine et à l’environnement». En février 2024, ClientEarth a intenté son quatrième procès contre ce projet polluant, arguant qu’INEOS «n’avait pas fourni aux autorités les informations complètes quant à l’impact du projet d’usine sur les personnes, la nature et le climat». Au Royaume-Uni, 176 violations de permis par l’usine d'INEOS à Middlesbrough ont été constatées entre 2014 et 2017. 90 d’entre elles concernaient les émissions dans l’air et dans l’eau..

 

Lobbying visant à contourner la réglementation environnementale

En amont du référendum sur l’UE, INEOS a fait pression afin d’être exempté de la taxe britannique sur le changement climatique et pour abolir le prix plancher du carbone au Royaume-Uni. En février 2024, M. Ratcliffe a écrit à Ursula von der Leyen, affirmant que les taxes sur le carbone ont eu pour effet de «fait fuir les investissements» hors d’Europe.

 

Sports-washing

INEOS sponsorise des équipes sportives de haut-niveau dont Manchester United, les All Blacks et une équipe du Tour de France nommée les INEOS Grenadiers (anciennement Team Sky). Le sponsoring coûte relativement peu cher et confère à l’entreprise ce que l’on appelle une «licence sociale d’exploitation» permettant d’associer le nom d’une entreprise d’énergies fossiles et de produits chimiques à un élément perçu comme intrinsèquement positif, en l'occurrence le sport.

 

«Je suis venu, j’ai acheté, j’ai conquis»

Pour marquer le 20ème anniversaire de la création de l’entreprise, M. Ratcliffe a engagé un designer pour concevoir les armoiries d’INEOS, portant la devise latine VENI EMI VICI, à savoir «Je suis venu, j’ai acheté, j'ai conquis»

James Dyson

Aspirateurs, purificateurs d’air et agro-industries

Qui est James Dyson ?

Dyson est surtout connu comme l’inventeur de l’aspirateur sans sac. Fondée à Malmesbury, Dyson Limited a vu son siège déplacé à Singapour depuis 2019. Outre la production d’aspirateurs, de sèche-mains, de sèche-cheveux, de ventilateurs sans pales et de purificateurs d’air, Dyson est à présent le plus grand agriculteur du Royaume-Uni, disposant de 14 000 hectares dans le Lincolnshire, l’Oxfordshire, le West Berkshire, le Somerset et le Gloucestershire.

  Position sur la liste des personnes les plus riches du monde

140ème sur la liste 2024 des milliardaires établie par Forbes. Au Royaume-Uni, il occupe la cinquième place sur la liste réalisée par le Sunday Times

 

Attitude à l’égard de l’impôt

Dyson Limited a fait partie des nombreuses entreprises concernées par les « Lux Leaks », des fuites de documents révélant la façon dont le Luxembourg avait aidé les multinationales à économiser des millions d’euros d’impôts. En 2014, une enquête du Guardian a révélé qu’en 2011, Dyson Ltd. avait créé des sociétés sur l'île de Man et au Luxembourg dont elle s’était servie pour accorder des prêts de 300 millions de livres sterling (360 millions d’euros) en faveur de ses activités au Royaume-Uni. Les paiements d’intérêts des prêts ont permis à Dyson de réduire sa facture fiscale au Royaume-Uni.

En 2018, le Sunday Times a révélé que James Dyson avait investi dans trois sociétés cinématographiques pratiquant l’évasion fiscale. En avril 2021, des documents ont fuité et démontré qu’au cœur de la première vague de la pandémie de Covid, Dyson avait envoyé un message à Boris Johnson, alors Premier ministre, en lui demandant si les ingénieurs s’installant au Royaume-Uni pour fabriquer des ventilateurs pouvaient être exonérés d’impôts. Johnson lui a rétorqué qu’il s’en occuperait au plus vite. Bien que M. Dyson et son entreprise soient installés à Singapour depuis 2019, les documents relatifs à ses sociétés montrent qu’il est retourné s’installer au Royaume-Uni le lendemain de ses échanges avec le Premier ministre visant à assouplir les règles fiscale .

En 2024, James Dyson a payé 156 millions de livres sterling (187 millions d’euros) d’impôts. Si cette somme semble considérable, elle ne représente cependant que 0,68 % de sa fortune. En réalité, aucun milliardaire ne paie suffisamment d’impôts.

 

Liberté de supprimer des emplois au Royaume-Uni

En juillet 2024, Dyson a annoncé la suppression d’un tiers de ses effectifs au Royaume-Uni dans le cadre d’une «restructuration mondiale». L’entreprise avait déjà supprimé 600 emplois au Royaume-Uni lors de la pandémie de Covid, condamnant de nombreuses personnes au chômage alors que Dyson continuait d’accumuler des milliards. C’est peut-être de ce type de « liberté » dont parlait Dyson dans sa déclaration à propos du Brexit : «Nous avons notre liberté, nous pouvons conclure des accords commerciaux avec d’autres pays en dehors de l’Europe [et] nous pouvons employer des personnes du monde entie ».

 

Travail forcé et conditions de travail dangereuses en Malaisie 

En février 2022, une enquête de Channel 4 a révélé des allégations de mauvais traitements dans une usine d’ATA fabriquant des pièces pour Dyson. Le cabinet d’avocats Leigh Day a intenté une action contre Dyson Ltd. au nom des employé·es,en invoquant l’inaction de la société malgré les interpellations des lanceurs d’alertes . En octobre 2023, un tribunal de première instance du Royaume-Uni a donné raison aux avocats de Dyson, qui estimaient que le contentieux devait être traité en Malaisie. Les employé·es ont pu faire appel en juin 2024, et l'affaire sera entendue par la Cour d’appel en novembre 2024.

 

Mais il utilise son argent pour la bonne cause, n’est-ce pas?

Dyson organise un concours annuel d’innovation climatique, a créé une université privée, fait don de millions à son ancienne école privée et de 6 millions de livres sterling (7 millions d’euros) pour financer un centre de «science, de technologie, d’ingénierie, d’art et de mathématiques» au sein d’une école primaire de Malmesbury. Chacun·e peut dépenser son argent à sa guise, mais les dons individuels ne se substituent pas au paiement de l'impôt. Les citoyen·nes ordinaires ne sont pas exonéré·es d’impôts lorsqu’ils ou elles achètent un billet de tombola lors de la kermesse de l’école de leur quartier. M. Dyson ne devrait pas bénéficier d’un passe-droit pour échapper à l’impôt simplement parce qu’il finance la construction d’une école grâce à son immense fortune.

Bernard Arnault

‘Le loup en cachemire’

Qui est Bernard Arnault ?

Selon la liste 2024 des milliardaires établie par Forbes, Bernard Arnault est l’homme le plus riche du monde. Le milliardaire dirige l’empire LVMH, qui comprend les marques de luxe Louis Vuitton, Guerlain et Dior, ainsi que l’enseigne Sephora et la chaîne de supermarchés Carrefour. M. Arnault a débuté en investissant 15 millions de dollars (13,8 millions d’euros) de la fortune familiale pour créer la holding qui lui a permis d’acheter Dior en 1984. Dès lors, son approche sans pitié des acquisitions lui a valu le surnom du « loup en cachemire ». M. Arnault a fait connaître LVMH dans le monde entier en sponsorisant les Jeux olympiques de 2024 à hauteur de 150 millions d’euros, imposant fréquemment la présence de la marque dans des zones qui n’étaient pourtant pas censées faire apparaître de sponsors.. Il s’appuie fortement sur sa capacité à attirer des célébrités telles que Pharrell Williams, Zendaya ou encore le rappeur sud-coréen J-Hope pour façonner l’image publique de Louis Vuitton et d’autres marques de luxe.

 

Position sur la liste des personnes les plus riches du monde

Selon la liste 2024 des milliardaires établie par Forbes, Bernard Arnault (et sa famille) sont les personnes les plus riches du monde, bien qu’ils apparaissent à la quatrième place environ sur l’indice des milliardaires de Bloomberg, qui est mis à jour quotidiennement. Il est naturellement la personne la plus riche de France, surpassant son plus proche concurrent de 133 milliards de dollars (122,4 milliards d’euros) selon la liste 2024 dForbes.

 

Attitude à l’égard de l’impôt

Arnault a quitté la France au début des années 1980 pour éviter de payer l’impôt sur la fortune instauré par François Mitterrand. Lorsque le président Hollande a envisagé de mettre en place un impôt sur la fortune de 75% en 2012, M. Arnault a demandé la nationalité belge. Le milliardaire a retiré sa demande en 2013, alors que le parquet belge ouvrait une enquête sur Pilinvest, une holding familiale liée à LVMH qui aurait été créée afin d’éviter de payer des droits de succession. LVMH détient 14 filiales en Belgique, représentant 20 milliards d’euros d’actifs pour seulement 14 employé·es qui gagnent respectivement 411 millions d’euros de bénéfices. En faisant de Bruxelles le centre financier de LVMH plutôt que Paris, l’entreprise aurait évité de payer 700 millions d’euros d'impôts entre 2008 et 2016. Selon l’Observatoire des multinationales, LVMH comptait 305 filiales basées dans des paradis fiscaux en 2020.

 

Destruction de la planète

En raison de son mode de vie extrêmement consumériste, Bernard Arnault génère autant de carbone que 1158 Français·es « ordinaires ». Son yacht privé, le Symphony, génère 86% des émissions annuelles du milliardaire, soit autant de pollution que 996 Français·es. Arnault a vendu son jet privé en 2022 afin d’éviter la surveillance des des activistes de Twitter qui comptabilisaient les émissions de ses vols gourmands en énergies fossiles. Il affrète désormais des jets privés qui sont tout aussi polluants.

 

Espionnage et blanchiment d’argent

En 2023, le parquet de Paris a ouvert une première enquête pour blanchiment d’argent dans le cadre d’une affaire complexe impliquant M. Arnault et l’oligarque russe Nikolaï Sarkisov. En 2021, sa société, LVMH, a payé 10,2 millions de dollars américains (9,4 millions d’euros) pour mettre un terme aux accusations selon lesquelles un ancien chef des services de renseignement français aurait espionné pour le compte de la société.

 

Un business familial

En 2022, Arnault a changé la structure juridique de la holding familiale Agache en une société holding par actions, afin de s’assurer que son extrême richesse reste dans la famille sur le long terme. Les statuts de LVMH ont également été modifiés pour que l’âge maximum du PDG passe de 75 à 80 ans.

 

Le Terminator (des emplois)

Bernard Arnault a la réputation d’évincer les fondateurs et de diviser les familles et les partenaires commerciaux. En 1984, il rachète Boussac Saint-Frères pour 1 franc symbolique, en assurant au gouvernement qu’il préservera les emplois. En l’espace de cinq ans, Arnault a dépouillé la société à l’exception de Dior, et a licencié 8 000 personnes. Il hérite dès lors du surnom de « Terminator »'. M. Arnault a continué d’appliquer ce modèle par la suite : il a saisi les opportunités qui se présentaient à lui, augmenté les prix et supprimé des emplois afin d’étendre son empire.

  Des montages financiers douteux

Bernard Arnault a utilisé des produits dérivés pour prendre une participation dans Hermès, ce qui lui a valu une amende de 8 millions de dollars (7,4 millions d’euros) de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Cependant, il a ensuite gagné 2,4 milliards de dollars (2,2 milliards d’euros) lorsqu’il a vendu les actions.

Vincent Bolloré

Le Rupert Murdoch français

Qui est Vincent Bolloré ?

« Jamais auparavant une telle influence n’avait été concentrée entre les mains d'un seul homme, et jamais auparavant une telle influence n'avait été utilisée pour promouvoir des idées aussi extrêmes. »Alexis Lévrier, historien des médias

Avant de devenir l’empire de Vincent Bolloré, l’entreprise était un conglomérat familial. Fondé en 1822, le groupe Bolloré produisait du papier à cigarettes et des bibles. Après un passage chez Rothschild, Bolloré prend le contrôle du groupe en 1981 et le transforme en géant mondial. Outre ses activités de construction, de logistique et de transport maritime, Bolloré a acquis la réputation d’être le Rupert Murdoch français. En effet, M. Bolloré a créé la version française de Fox News (C News) et fortement contribué à la droitisation des médias français; notamment en rebaptisant i-Télé « C News », et en faisant basculer l’influent Journal du Dimanche à l’extrême droite. Loin des caméras, Bolloré aurait déclaré « utiliser ses médias pour son combat civilisationnel ».

 

Position sur la liste des personnes les plus riches du monde

Bolloré et sa famille figurent en 224ème place sur la liste des milliardaires établie par Forbes en mars 2024, bien qu’en septembre, leur fortune ait atteint les 11 milliards de dollars (10,1 milliards d’euros), selon les données actualisées en temps réel. En France, Bolloré et sa famille se hissent à la 11ème place du classement, selon la liste 2024 des milliardaires établie par Forbes.

 

Attitude à l’égard de l’impôt

Le milliardaire a mis au point un système complexe de holdings impliquant une constellation de sociétés familiales au sein desquelles il accumule des centaines de millions de dollars et évite ainsi de payer des impôts. En conservant l’argent dans un ensemble de holdings plutôt que de le distribuer à la famille Bolloré, Bolloré est doublement gagnant : il évite l’impôt sur les dividendes et gonfle les bilans des holdings, permettant ainsi à la famille d’accéder à des financements encore plus conséquents.

 

Corruption coloniale

Bolloré a été accusé de corruption de responsables politiques en Afrique. En effet, il a sous-facturé des services en échange de concessions portuaires au Togo, et effectué des transactions douteuses au Ghana. En février 2021, l’entreprise a versé 12 millions d’euros d’amende afin d’éviter des poursuites en France pour des allégations de corruption, et elle a ensuite vendu ses opérations logistiques en Afrique à la société de transport maritime MSG Group  En juin 2024, le Parquet National Financier a demandé à ce que Vincent Bollore soit jugé pour son rôle dans les affaires de la société au Togo.

 

Murdoch en pire : contrôler les médias et soutenir la droite retardant l’adoption de mesures climatiques

Selon Alexis Lévrier, historien des médias « Unifier la droite française et la porter au pouvoir a toujours été l’objectif principal de Bolloré »

Bolloré a mis son empire médiatique au service de la droite nationaliste française. On considère qu’il a joué un rôle majeur dans l’orchestration de l’alliance de rivaux de droite, permettant ainsi à l’extrême droite d’arriver aux portes du pouvoir. Le lendemain de l’annonce de la dissolution et des élections législatives anticipées par Emmanuel Macron le 9 juin 2024, c’est vers Bolloré que le leader conservateur Eric Ciotti s’est tourné  en demandant au magnat des médias d’apporter son soutien au Rassemblement national. Le Rassemblement national s’est engagé à démanteler le Pacte vert pour l’Europe, à revenir sur l’interdiction des nouveaux moteurs thermiques et à abandonner la stratégie européenne « De la ferme à la table ».

Bolloré achète des médias réputés, les vide de leur substance et se sert de leur crédibilité pour promouvoir des idées radicalement différentes. Il a nommé Geoffroy Lejeune, ancien rédacteur en chef d’un magazine d’extrême droite qui a été condamné pour publication d’injures racistes, à la tête d’un hebdomadaire bien connu, le Journal du Dimanche.

Suzanne Klatten et Stefan Quandt

Alimenter la crise climatique et garder la fortune dans la famille

Qui sont Suzanne Klatten et Stefan Quandt ?

Les héritier·es de BMW, Susanne Klatten et son frère Stefan Quandt figurent régulièrement sur les listes des personnes les plus riches d’Allemagne. Susanne Klatten est la femme la plus riche d’Allemagne. Elle détient en effet un patrimoine de 26,4 milliards de dollars (24,3 milliards d’euros). Son frère, Stefan Quandt, possède des actifs d’une valeur de 27,3 milliards de dollars (25,1 milliards d'euros).

 

Position sur la liste des personnes les plus riches du monde

Suzanne Klatten se classe à la 71ème place sur la liste 2024 des milliardaires établie par Forbes, et son frère Stefan Quandt en 68ème position. Toujours selon le magazine Forbes, les héritier·es de la fortune de BMW se hissent à la quatrième et cinquième place des personnes les plus riches d’Allemagne. Manager Magazine place la fratrie au deuxième rang des plus grandes fortunes d’Allemagne, leur valeur nette commune s’élevant à 34,4 milliards d’euros (des chiffres nettement inférieurs à ceux de Forbes).

 

Attitude à l’égard de l’impôt

Mme Klatten a déclaré être heureuse de payer des impôts en Allemagne, mais la famille a eu recours à divers mécanismes d’évasion fiscale. En 2007, elle a perçu 2,37 milliards d’euros de dividendes qu’elle a transférés dans une holding, lui permettant de réduire considérablement sa facture fiscale.

Klatten et Quandt ont perçu une partie de leur immense richesse des années avant la mort de leur mère, évitant ainsi de payer des droits de succession. Comme l’explique Stefan Bach, chercheur associé en économie publique à l’Institut allemand de recherche économique, Klatten et Quandt ne sont pas assujetti·es au taux le plus élevé de l’impôt sur le revenu en Allemagne car « leurs revenus sont en grande partie répartis dans différentes structures commerciales et ne sont donc pas soumis à l’impôt progressif sur le revenu ».

 

Des dividendes en temps de pandémie

En pleine pandémie en 2020, BMW a fait l’objet de critiques après avoir versé des dividendes de 700 millions d’euros à Klatten et Quandt, alors que des milliers de personnes se sont retrouvées au chômage technique.

 

Alimenter la crise climatique

En 2021, la Commission européenne a infligé une amende de 875 millions d’euros à BMW et au groupe VW pour leur entente visant à limiter l’utilisation de la technologie de réduction des émissions dans le cadre de laquelle ils ne s’engageaient à ne respecter que le strict minimum des normes en vigueur. En 2007, l’entreprise a reçu le Prix du « pire lobbying de l’UE » pour une campagne visant à affaiblir et à retarder les objectifs obligatoires de réduction des émissions de CO2.

 

Une richesse bâtie sur le travail dans les camps de concentration

En 2011, un projet de recherche mené par l’historien Joachim Scholtyseck et commandité par la famille a conclu que les Quandt avaient bénéficié du recours massif à la main-d’œuvre soumise à l’esclavage pendant la Seconde Guerre mondiale. La famille a également profité du rachat d’entreprises appartenant à des personnes juives,qui leur ont permis de constituer les fondations de leur empire s’élevant à présent à des milliers de milliards. Klatten a reconnu le préjudice causé, mais ni elle ni son frère n’ont jamais proposé la moindre forme de compensation.



La famille Porsche-Piech

Le scandale des émissions de Volkswagen, des voitures ultra-consommatrices en énergie fossile et des querelles de famille

Qui est la famille Porsche-Piech ?

Il n’est pas aisé de répondre à cette question, car la famille est composée de nombreux membres bénéficiant néanmoins tou·tes de la production automobile. Ferdinand Piech est connu pour avoir mis en place un environnement toxique et exigeant chez Volkswagen, qui a contribué au scandale des émissions de 2015. Piech est parti peu avant que le scandale n’éclate, laissant le soin à son protégé Martin Winterkorn de porter le chapeau. Le journaliste automobile John Phillips a évoqué le « sourire » de Ferdinand, “connu pour sa capacité à glacer immédiatement l’atmosphère." Un cadre dirigeant témoignant anonymement auprès du New York Times a décrit la seule forme de management que connaissait Volkswagen selon lui : « l’agressivité en toutes circonstances ».

 

Position sur la liste des personnes les plus riches du monde

La famille Porsche-Piech ne figure pas sur la liste des milliardaires de Forbes, mais ses actifs et sa fortune combinés sont estimés à une valeur de 22,5 milliards de dollars (20,7 milliards d'euros). La Old Money Society estime la fortune de la famille à 55 milliards de dollars  (50,6 milliards d’euros). Les luttes intestines de la famille sont de notoriété publique : lorsque Ferdinand Piech meurt subitement en 2019, sa fortune est partagée entre sa femme, ses trois ex-femmes et ses treize enfants. En Allemagne, la famille Porsche-Piech se hisserait au septième rang des familles les plus riches du pays, selon les magazines Stern et Manager.

 

Attitude à l’égard de l’impôt

Lorsque la famille Porsche a déménagé d’Allemagne en Autriche en 2010, Wolfgang Porsche a pu décaler le paiement de sa taxe d’expatriation sans intérêts grâce à un amendement de 2006 de la loi allemande qui reporte le paiement de la taxe jusqu’à la vente des actions. Selon le Frankfurter Allgemeine, les conseiller·es du milliardaire ont élaboré un moyen d’éviter l’impôt sur les actions en transférant la propriété des actions, ce qui lui a permis d’éviter également la taxe autrichienne sur les plus-values. Les autorités allemandes ont pu contrecarrer la mise en œuvre de cette partie du plan en adoptant une loi visant à empêcher l’évasion fiscale par transfert d’actions, connue sous le nom de « Lex Porsche ».

  Scandale des émissions de Volkswagen 

Le scandale des émissions de Volkswagen n’a jamais été directement lié à Ferdinand Piech, mais on lui attribue la mise en place de la culture de Volkswagen qui a conduit au scandale, lequel «entachera à jamais tous ses grands accomplissements», selon Eric Schiffer, président de Reputation Management Consultants. En 2015, les autorités allemandes ont ouvert une enquête sur des soupçons d’évasion fiscale menée par Volkswagen, les véhicules affectés par le scandale des émissions bénéficiant d’une tranche d’imposition inférieure.

 

Esquiver la réglementation environnementale #Porschegate

Le patron de Porsche, Oliver Blume, se serait vanté d’avoir entretenu des liens très étroits avec le dirigeant du FDP, Christian Lindner, lors des négociations de la coalition de gouvernement allemande. Il aurait également affirmé avoir joué un rôle majeur pour inclure à cet accord des engagements à faire pression sur l’Union Européenne en faveur d’une exclusion de la législation interdisant les moteurs thermiques alimentés par des carburants de synthèse controversés.

 

Les ouvrier·es paient le prix de l’inaction en matière d’énergies fossiles

Malgré les milliards d’euros de subventions publiques dont Volkswagen a bénéficié, l’inaction du constructeur en matière d’énergies fossiles a mené à des suppressions d’emplois et à des restrictions budgétaires en son sein. En 2024, Volkswagen est revenu sur des acquis sociaux en vigueur depuis des décennies et a menacé pour la première fois en 87 ans d’existence de fermer une usine. Fin septembre, Volkswagen a rejeté les demandes des syndicats. Il est donc probable que des grèves liées aux suppressions d’emplois et aux fermetures potentielles d’usines démarrent au mois de décembre 2024. Les ouvrier·es ont brandi des pancartes arborant le message suivant : «Pénurie de travailleurs qualifiés au sein du Conseil d’administration». Cette action faisait suite à l’annonce par l’entreprise de son intention d’économiser 10 milliards d’euros d’ici 2026 et de réduire les coûts du personnel administratif d’un cinquième.

 

Une fortune qui remonte au régime nazi

Les fondements de la richesse de Volkswagen remontent à la seconde Guerre mondiale. Cofondateur de l’entreprise, Ferdinand Porsche, a activement cherché à se rapprocher du régime nazi afin d’obtenir des commandes. Cette initiative a porté ses fruits : l’entreprise a mis au point des chars d’assaut, la bombe volante V-1 ainsi que la Coccinelle Volkswagen en réponse à une demande d’Hitler. Une étude réalisée en 1996 a démontré que Volkswagen avait eu largement recours au travail forcé pendant la guerre. L’usine de Wolfsburg, qui demeure le principal site de production de Volkswagen, était à l’origine un ambitieux projet nazi construit sous la supervision de Ferdinand Porsche. À la fin de la guerre, la famille Porsche a également ignoré les demandes d’Adolf Rosenberger, son cofondateur juif, qui réclamait des parts dans l’entreprise.



Luciano Hang

L’empereur des grands magasins soutenu par Bolsonaro

Qui est Luciano Hang ?

Connu pour se draper dans le jaune et le vert du drapeau brésilien, Luciano Hang aime se mettre en scène. Propriétaire de grands magasins, il voue un culte au capitalisme américain. Ses grands magasins situés en banlieue des grandes villes sont construits sur le modèle de la Maison Blanche et sont dotés de répliques de la Statue de la Liberté, dont certaines mesurent plus de 30 mètres de haut. Il a déclaré que le Brésil était «un pays de perdant·e et a ajouté : «Nous pouvons être des gagnant·es».

 

Position sur la liste des personnes les plus riches du monde

Avec une fortune de 2,3 milliards de dollars américains (13 milliards de réals), Hang occupe la 1431ème place du classement des milliardaires de Forbes. Au Brésil, M. Hang occupe la 22ème place du classement des personnes les plus riches établi par CEO Magazine.

 

Attitude à l’égard de l’impôt

Des enquêtes menées par El Pais ont révélé que Hang, qui aime se présenter comme un «patriote qui se bat pour le Brésil» a domicilié une société, Abigail Worldwide, d’une valeur de 112 millions de dollars (632,8 millions de réals) dans un paradis fiscal pendant près de 20 ans. En 2003, Hang a été condamné à plus de trois ans de prison et à une amende pour avoir organisé  l’évasion fiscale de 10,4 millions de réals(1,7 million d’euros réals) via des cotisations de sécurité sociale. La peine de prison a été réduite à des travaux d’intérêt général et un plan de remboursement de la dette a été négocié. En 2020, le service fédéral des impôts a constaté que Havan, l’une des sociétés de Hang, s’était soustraite aux cotisations de sécurité sociale et lui a infligé une amende de près de 2,5 millions de réals (400 000 euros).

 

Coercition des électeur·rices, préparation de coup d'État et soutien à un président climatosceptique

Hang est un fervent partisan de l’ancien président Bolsonaro. Il a financé l’envoi massif de messages WhatsApp, mis en avant des publications sur Facebook et s’est vu infliger une amende de 85 millions de réals (13 millions d’euros) pour avoir incité son personnel à voter pour Bolsonaro en 2018. Bolsonaro a été élu sur la base d’un programme refusant de taxer les riches et sur la promesse de réduire les impôts de manière générale. Arrivé au pouvoir, il a réduit le financement de plusieurs agences de protection de l’environnement et a encouragé la déforestation en Amazonie. Les défenseur·es de la nature ont utilisé les termes suivants pour décrire l’impact de son mandat :«dévastation», «carnage» ou encore «apocalypse».

Le domicile de M. Hang a été perquisitionné en 2022 à la suite d’accusations selon lesquelles il aurait envisagé un coup d’État en faveur de Bolsonaro avec d’autres hommes d’affaires. Le compte Facebook de Hang fait partie des nombreux comptes qui ont été fermés à la suite d’une décision de la Cour suprême du Brésil. Ils étaient en effet utilisés pour appeler à un coup d’État militaire visant à supprimer la Cour suprême et le Congrès.

Les frères Batista

Destruction de l’Amazonie et corruption des responsables politiques

Qui sont les frères Batista ?

Les frères Batista contrôlent conjointement JBS S.A., l’une des plus grandes entreprises de transformation de viande au monde, par l'intermédiaire de leur holding J&F Investments. En 2022, JBS est devenue la plus grande entreprise alimentaire toutes catégories confondues, dépassant même Nestlé. Lors de la COP28, JBS s’est engagée à donner la priorité à la durabilité dans l’ensemble de sa chaîne d'approvisionnement, mais l’implication de l’entreprise dans la déforestation en Amazonie a été démontrée à plusieurs reprises. Selon l’organisme américain de réglementation des marchés financiers - la SEC-, J&F Investments possède environ 250 entreprises dans 30 pays à travers le monde. En 2022, J&F Investments. a acheté des mines de manganèse et de minerai de fer au Brésil, dans le but de créer une «JBS minière».

 

Position sur la liste des personnes les plus riches du monde

Les deux frères figurent tous deux à la 991ème place du classement 2024 des milliardaires établi par Forbes, possédant chacun une fortune de 3,3 milliards de dollars (18,6 milliards de réals). Au Brésil, les deux frères occupent la 13ème place du classement des personnes les plus riches établi par CEO Magazine. Leur richesse combinée leur permettrait d’atteindre la 6ème place.

 

Attitude à l’égard de l’impôt 

En 2019, l’administration fiscale australienne a ouvert une enquête sur Flora Green, la holding australienne de JBS, en raison de soupçons d’évasion fiscale. Les enquêtes se penchent sur une recommandation de 2014 du cabinet d’experts-comptables international PwC, selon laquelle une restructuration mondiale pourrait légalement permettre au groupe d’économiser 250 millions de dollars américains d’impôts aux États-Unis et jusqu’à 70 millions de dollars américains en Australie si elle se structurait volontairement en tant que service juridique.

 

Corruption de responsables politiques, délits d’initiés, et le scandale de corruption qui a failli faire tomber le gouvernement

En 2017, les frères Batista ont obtenu l’immunité en dénonçant un réseau de responsables politiques qu’ils avaient cultivé pendant des décennies dans le cadre de l’opération « Car Wash », qui consistait en un réseau de pots-de-vin impliquant plus de 1 800 hommes politiques qui leur auraient facilité l’accès aux banques d’État et aux fonds de pension. La société holding détenue par les frères a été contrainte de verser 10,3 milliards de réals (1,6 milliard d’euros) de compensation sur dix ans au Brésil et 256 millions de dollars (235 millions d’euros) aux États-Unis. Après les révélations des deux frères, le marché boursier brésilien s’est effondré et a atteint sa valeur la plus basse en 14 ans, obligeant la fermeture des marchés. Depuis, ce jour est connu sous le nom de «Joesley Day» d’après l’enregistrement effectué par Joelsey Batista de ses échanges avec Michel Temer, alors Président du Brésil.

Les frères ont également été accusés de délit d’initié, car ils ont vendu des actions et négocié des devises étrangères avant de conclure un accord avec les enquêteurs. Ils ont cependant été acquittés par la Commission brésilienne des titres et de la Bourse. Les frères sont revenus sur le devant de la scène nationale à la suite des efforts du juge José Antonio Dias Toffoli pour démanteler l’opération Car Wash. En 2020, l’organisme américain de réglementation des marchés financiers - la SEC-a émis une mise en demeure relative au système de corruption lié à l’achat de l’entreprise Pilgrim’s Pride Corporation par les frères.

 

Chaos climatique, exploitation et oppression des peuples autochtones

Les gestionnaires d’actifs tels que Blackrock et Vanguard investissent des millions de dollars dans JBS par l’intermédiaire de fonds «verts» qui n'effectuent néanmoins aucune vérification quant à leur impact sur la déforestation.

L’expansion des pâturages dédiés à l’élevage du bétail est responsable de 41% de la déforestation tropicale. En Amazonie, le bétail est élevé sur 70% de terres abattues,et la société JBS fait partie des principaux acheteurs. Un rapport de Global Witness publié en 2024 a établi un lien entre JBS et la déforestation de l’équivalent de 80 000 terrains de football dans le biome Cerrado.

Global Witness a également découvert que l’un des fournisseurs de JBS, la riche dynastie bovine Seronni, a commis des violations des droits humains, a eu recours à l’esclavage et a joué un rôle dans la déforestation illégale, l’accaparement de terres et le blanchiment de bétail. JBS a pratiqué l’élevage illégal de bovins sur le territoire indigène d’Apyterewa entre 2013 et 2018.

La Fondation pour la justice environnementale (Environmental Justice Foundation) a constaté un recours généralisé au travail forcé dans les fermes fournissant JBS. Amnesty International a également relevé des saisies de terres destinées à l’élevage commercial illégal de bovins en lien avec la chaîne d’approvisionnement de JBS, donnant lieu à des menaces, des actes d’intimidation et de violences à l’encontre des personnes protégeant leurs territoires.

Selon un rapport de Mighty Earth et Reporter Brasil, un composé important du défoliant mortel «Agent Orange» a été pulvérisé par des avions sur 81 200 hectares de la ferme Fazenda Soberana dans les zones humides brésiliennes du Pantanal afin de faire place à l’élevage de bétail lié à JBS et à d’autres entreprises du secteur de la viande. Le rapport qualifie ces pratiques de «déforestation chimique».

Cotation à la Bourse de New York

En juillet 2024, les frères ont relancé l’ambition qu’ils nourrissaient depuis des décennies : être cotés à la Bourse de New York. Un groupe de lobbying dénommé «Interdire les Batista»s’est constitué afin de s’opposer à la perspective d’une introduction en bourse de JBS. Il est composé de groupes de sénateurs et sénatrices issus de deux partis qui font pression contre cette initiative. L'État de New York poursuit JBS pour des déclarations trompeuses selon lesquelles l’entreprise serait capable de réduire les émissions tout en continuant à développer ses activités.


Mention spéciale

Elon Musk

Elon Musk

En mars 2024, la fortune d’Elon Musk était estimée à 185 milliards de dollars américains (179 milliards d’euros) selon la liste des milliardaires du monde de Forbes. Il se plaçait donc en deuxième position derrière le milliardaire français Bernard Arnault. En septembre 2024, les données actualisées de Forbes évaluaient la fortune de Musk à plus de 266 milliards de dollars (244 milliards d’euros). Selon une étude de Propublica publiée en 2021, Musk n’a payé aucun impôt en 2018. Il s’est ensuite engagé à payer 11 milliards de dollars d’impôts en 2021 après avoir exercé les options d’achat d’actions de Tesla, mais le montant de l’impôt réellement payé par le magnat demeure inconnu. Entre 2019 et 2024, Tesla n’a payé aucun impôt à l’échelle fédérale, malgré des bénéfices de 4,4 milliards de dollars (4 milliards d’euros)  et des salaires versés à ses dirigeant·es à hauteur de 2,5 milliards de dollars américains (2,3 milliards d’euros).

jeff bezos

Jeff Bezos

La liste Forbes des milliardaires du monde de 2024 estimait la fortune de Jeff Bezos à 194 milliards de dollars américains (178 milliards d’euros). En septembre 2024, les données actualisées de Forbes évaluaient la fortune de Musk à plus de 206 milliards de dollars (189 milliards d’euros). Selon des recherches de Propublica en 2021, Jeff Bezos n’a payé aucun impôt en 2007 et 2011. En février 2024, après l’annonce de son déménagement en Floride, officiellement afin de se rapprocher de ses parents, la chaîne CNBC a souligné que ce changement permettrait au multimilliardaire d’économiser 600 millions de dollars (550 millions d’euros) d’impôts sur la vente d’actions d’Amazon, la Floride n’imposant pas les plus-values. 

Il est de notoriété publique qu’Amazon traite mal son personnel. En France, la société a été condamnée à une amende de 32 millions d’euros pour surveillance «excessive» de ses salarié·es . Les employé·es ont décrit les conditions de travail dans les entrepôts comme une «colonie cauchemardesque» ou encore «une prison». Amazon génère plus d’émissions que n’importe laquelle des cinq autres grandes entreprises du monde de la technologie. Le géant de la technologie sous-estime également son empreinte carbone en ne tenant compte que de ses propres produits dans ses calculs (soit 1% de ses ventes) et détruit des millions d’articles chaque année dans un seul de ses entrepôts au Royaume-Uni.

Profils de pays

Royaume-Uni : énergies fossiles, produits chimiques et aspirateurs

La liste mondiale des milliardaires établie par Forbes recense 55 milliardaires vivant au Royaume-Uni, dont la fortune nette totale s'élève à 225 milliards de dollars américains (171 milliards de livres sterling). Entre mai 2021 et mai 2024, les prix des biens de consommation ont augmenté de 20,8%, alors que les revenus réels stagnent depuis 15 ans.

Au Royaume-Uni, alors que l’opinion publique soutient massivement l’idée d’un impôt sur la fortune, celui-ci n’a jamais été mis en œuvre, et l’impôt sur les hauts revenus a été considérablement réduit depuis 1979. De 83% en 1979, le taux maximum de l’impôt sur le revenu est passé à 45 % seulement actuellement. En outre, du fait de l’absence d’impôt sur la fortune, les milliardaires paient beaucoup moins qu’auparavant.

Selon l’organisation Equality Trust, les inégalités coûtent au Royaume-Uni 106,2 milliards de livres sterling (127 milliards d’euros) de plus qu’aux autres pays plus développés de l’OCDE en raison des pertes pour l’économie, les communautés et les citoyen·nes.

Un sondage réalisé par YouGov a révélé que 78% de l’électorat soutenait un impôt annuel sur la fortune pour les personnes dont le patrimoine dépasse 10 millions de livres sterling (12 millions d’euros). En outre, 62% des personnes interrogées soutiennent l’idée d’appliquer les mêmes taux d’imposition aux revenus du capital qu’à ceux du travail.

Les recettes issues d’un impôt sur la fortune permettraient de restaurer des services publics détériorés par des décennies de sous-financement, de reconstruire nos écoles en décrépitude, de faire en sorte que nos foyers soient chauds l’hivert de financer une transition juste, de créer des milliers d’emplois et de soutenir les travailleurs et travailleuses ayant subi l’inaction des gouvernements successifs.

Un impôt de seulement 8,6 % sur la fortune des milliardaires  est nécessaire pour stopper la spirale infernale des inégalités. Au Royaume-Uni, un impôt sur la fortune à hauteur de 8,6% contribuerait à financer chaque année un large éventail d’investissements très bénéfiques, notamment :

  • l’isolation de plus de 1,1 million de logements et l’installation de plus de 270 000 nouvelles pompes à chaleur afin que les températures des logements soient décentes en hiver comme en été, le tout à un prix abordable ;
  • la construction de milliers de nouvelles éoliennes permettant de fournir une énergie sûre et renouvelable à 900 000 foyers, ainsi que la mise en place d’une garantie énergétique assurant que personne ne soit privé d’électricité pour subvenir à ses besoins essentiels ;
  • L’installation de panneaux solaires, produisant ainsi une énergie propre et renouvelable, sur plus de 60 000 bâtiments publics, tels que des écoles et des hôpitaux ;
  • La formation de plus de 150 000 ouvrier·es des industries fossiles et d’autres industries à  forte empreinte carbone afin que ces personnes développent de nouvelles compétences pour occuper des emplois d’avenir dans des villes telles que Port Talbot et Aberdeen ;
  • La mise en service de plus de 3700 nouveaux bus électriques mais aussi laa modernisation des réseaux ferroviaires et la réduction des tarifs des billets de train, permettant ainsi de rendre les voyages plus faciles et abordables, et moins polluants ;
  • La construction de milliers de logements sociaux, afin de garantir que chacun·e dispose d’un logement sûr et chauffé ;
  • Des salaires pour recruter plus de 15 000 infirmièr·es et 17 000 personnes travaillant dans le secteur du soin. Le déblocage de fonds supplémentaires permettant de créer plus de 10 nouvelles bibliothèques et de rénover les hôpitaux afin d’améliorer le bien-être de la population ;
  • L’augmentation du financement alloué actuellement à la protection contre les inondations et les feux de forêt afin de protéger les habitations, les entreprises et les infrastructures.
  • L’augmentation du montant actuel de 11,6 milliards de livres sterling (13,9 milliards d’euros) de financements climat  et la hausse considérable de sa promesse actuelle de contribution de 60 millions d’euros au fonds pour répondre aux pertes et dommages, afin d’assumer sa responsabilité historique à l’égard des pays les plus touchés par l’urgence climatique.

France : Une richesse issue des produits chimiques et des produits de luxe

Selon la liste 2024 des milliardaires du monde entier établie par Forbes, la France compte un total de 53 milliardaires. À lui seul, Bernard Arnault a vu sa fortune tripler, passant de 75 milliards de dollars US (69 milliards d’euros) en 2020 à 233 milliards de dollars (214 milliards d’euros) en 2024. Les inégalités se creusent en France. En 2021, les 10% de ménages les plus riches  possédaient 47 % de l’ensemble des richesses des ménages, contre 41% en 2020.

La France est dotée d’une forme d’impôt sur la fortune, mais il n’est pas très efficace et a été considérablement affaibli. En 2018, l’impôt de solidarité sur la fortune a été remplacé par une taxe sur la fortune immobilière (IFI) beaucoup plus faible, qui a généré un manque à gagner de  4.5 milliards d’euros par an. L’IFI est un impôt foncier progressif qui exclut un certain nombre d’éléments dont les investissements, les véhicules et les bijoux; et comporte de nombreuses autres niches fiscales.

Selon un sondage réalisé par Oxfam France, 76% des Français sont favorables au rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune, et 80% soutiennent la suppression des niches fiscales. Emmanuel Macron a rapidement acquis une réputation de «président des riches». Suite à son arrivée au pouvoir, l’impôt sur la fortune a été réduit à un impôt sur la fortune immobilière, l’impôt sur les sociétés a été abaissé et une nouvelle flat tax a été introduite. En septembre 2024, Antoine Armand, le nouveau ministre français des Finances, a confirmé la mise en œuvre de  «prélèvements ciblés»  limités et temporaires pour les ménages les plus aisés. Mais ces mesures épargnent les ultra-riches, et aucune des recettes générées ne sera utilisée pour augmenter les investissements d’ensemble destinés à mettre en œuvre une transition équitable.

Un impôt de seulement 8,6 % sur la fortune des milliardaires est nécessaire pour stopper la spirale infernale des inégalités.  En France, un impôt sur la fortune à hauteur de 8,6% contribuerait à financer chaque année un large éventail d’investissements très bénéfiques, et notamment :

  • l'isolation de plus de 330 000 de logements et l’installation de plus de 430 000 nouvelles pompes à chaleur afin que les températures des logements soient décentes en hiver comme en été, à un prix abordable ;
  • la construction de milliers de nouvelles éoliennes permettant de fournir une énergie sûre et renouvelable à 1,5 million de foyers, ainsi que la mise en place d’une garantie énergétique assurant que personne ne soit privé d’électricité pour subvenir à ses besoins essentiels ;
  • L’installation de panneaux solaires, produisant ainsi une énergie propre et renouvelable, sur  plus de 90 000 bâtiments publics par an, tels que des écoles et des hôpitaux ;
  • La formation de plus de 240 000 ouvrier·es des industries fossiles et d’autres industries à forte empreinte carbone afin que ces personnes développent de nouvelles compétences pour occuper des emplois d’avenir ;
  • La mise en service de plus de 6 000 nouveaux bus électriques mais aussi laa modernisation des réseaux ferroviaires et la réduction des tarifs des billets de train, permettant ainsi de rendre les voyages plus faciles, plus abordables et moins polluants ;
  • La construction de milliers de logements sociaux, afin de garantir que chacun·e dispose d’un logement ;
  • Des salaires pour recruter plus de 24 000 infirmier·es et plus de 28 000 personnes travaillant dans le secteur du soin. Le déblocage de fonds supplémentaires permettant de créer plus de 20 nouvelles bibliothèques et de rénover les hôpitaux afin d’améliorer le bien-être de la population ;
  • L’augmentation du financement alloué actuellement à la protection contre les inondations et les feux de forêt afin de protéger les habitations, les entreprises et les infrastructures.
  • L’augmentation du montant de 7,6 milliards d’euros de financements climat alloués en 2023, au-delà de l’engagement initial de 6 milliards d’euros, et la hausse considérable de la promesse actuelle de contribution de 100 millions d’euros au fonds répondant aux pertes et dommages, afin d’assumer la responsabilité historique de la France à l’égard des pays les plus touchés par ‘urgence climatique.

Allemagne : des voitures gourmandes en énergies fossiles, un scandale lié aux émissions et des milliards échappant à l’impôt

L’Allemagne compte 132 milliardaires, contre 126 l’année dernière. Selon la liste 2024 établie par Forbes, elle est le quatrième pays au monde en ce qui concerne le nombre de milliardaires. Le rapport sur la richesse mondiale du Boston Consulting Group dénombre 3 300 ultra-riches en Allemagne, plaçant le pays en troisième position, derrière les États-Unis et la Chine. Dans leur ensemble, les milliardaires allemand·es se sont enrichi·es de 59 milliards de dollars (54,3 milliards d’euros) entre 2023 et 2024, totalisant une fortune d’une valeur nette totale de 644 milliards de dollars (592,5 milliards d’euros). Le pays détient l’une des plus fortes concentrations de richesse des pays de l’OCDE.

En Allemagne, les 10% les plus riches possèdent 67 % de la richesse du pays, contre 1,2% pour es 50% les plus pauvres, ce qui fait du pays l’un des plus inégalitaires du continent. Selon les données de la Bundesbank, entre 2009 et 2021, les 50% de personnes les plus pauvres en Allemagne ne représentaient que  0,6 % de la fortune nette totale des ménages.

Le Boston Consulting Group a constaté que les ultra-riches allemands contrôlaient environ 1400 milliers de milliards de dollars (1300 milliers de milliard d’euros) de la richesse mondiale à investir en 2020, ce qui représente une croissance de près de 6 % par rapport à l’année précédente.

L’impôt sur la fortune allemand instauré en 1948 a contribué de manière significative à la réduction des inégalités. Il a cependant été suspendu en 1995 et n’a pas été rétabli depuis.

Selon un sondage effectué en 2024, deux tiers des Allemand·es (62 %) sont favorables à un impôt sur la fortune pour les actifs de plus d’un million d’euros. Taxmenow, un groupe de personnes riches dans les pays germanophones, fait campagne en faveur d’un impôt sur la fortune depuis février 2021.

Un impôt de seulement 8,6 % sur la fortune des milliardaires est nécessaire pour stopper la spirale infernale. En Allemagne, un impôt sur la fortune à hauteur de 8,6% contribuerait à financer chaque année un large éventail d’investissements très bénéfiques, et notamment :

  • l’isolation de plus de 290 000 de logements et l'installation de plus de 380 000 nouvelles pompes à chaleur afin que les températures des logements soient décentes en hiver comme en été, à un prix abordable ;
  • la construction de milliers de nouvelles éoliennes permettant de fournir une énergie sûre et renouvelable à 1,3 million de foyers, ainsi que la mise en place d’une garantie énergétique assurant que personne ne soit privé d’électricité pour subvenir à ses besoins essentiels ;
  • L’installation de panneaux solaires, produisant ainsi une énergie propre et renouvelable, sur plus de 87 000 bâtiments publics, tels que des écoles et des hôpitaux,
  • La formation de plus de 210 000 ouvrier·esdes industries fossiles et d’autres industries à forte empreinte carbone afin qu’ils développent de nouvelles compétences pour occuper des emplois d’avenir dans des régions telles que la Lusace
  • La mise en service de plus de 5 000 nouveaux bus électriques mais aussi la modernisation des réseaux ferroviaires et la réduction des tarifs des billets de train, permettant ainsi de rendre les voyages plus faciles, moins chers et moins polluants ;
  • La construction de milliers de logements sociaux, afin de garantir que chacun·e puisse se loger ;
  • Des salaires pour recruter plus de 21 000 infirmier·es et plus de 22 000 personnes travaillant dans le secteur du soin. Le déblocage de fonds supplémentaires permettrait de créer 18 nouvelles bibliothèques et de rénover les hôpitaux afin d’améliorer le bien-être de la population ;
  • L’augmentation du financement alloué actuellement à la protection contre les inondations et les feux de forêt afin de protéger les habitations, les entreprises et les infrastructures.
  • L’augmentation du montant actuel de 6 milliards d’euros de financements climat et la hausse considérable de la promesse actuelle de contribution de 100 millions de dollars US au fonds répondant aux pertes et dommages, afin d’assumer la responsabilité historique de l’Allemagne  à l’égard des pays les plus touchés par l’urgence climatique.

Brésil : paradis fiscaux, déforestation et corruption

Lors de sa présidence du G20 en 2024, le Brésil s’est positionné en défenseur de l’impôt sur la fortune. Le Brésil peut également jouer un rôle essentiel en raison de son puissant mouvement autochtone, de sa société civile active en matière de défense de la justice climatique, mais également car le pays abrite la forêt amazonienne, véritable poumon de la planète. En 2025, le Brésil accueillera un important sommet de négociations internationales sur le climat (la COP30), au cours de laquelle tous les pays devront s’engager à réduire leurs émissions à la vitesse et à l’échelle requises par l’urgence climatique.

Le Brésil compte au total 69 milliardaires, représentant une valeur nette totale de 231 milliards de dollars (212 milliards d’euros) selon la liste 2024 des milliardaires réalisée par Forbes. Les six personnes les plus riches du Brésil possèdent autant que les 50% les plus pauvres de la population, soit environ 100 millions de personnes. Les 5% les plus riches du pays gagnent autant que les 95 % restants.

Il n’existe pas d’impôt sur la fortune au Brésil, mais le gouvernement envisage de prélever un impôt de 12 à 15% sur les revenus des millionnaires. Les revenus sont actuellement imposés à un taux progressif allant jusqu’à un maximum de 14%, et aucun impôt ne doit être versé sur les revenus supérieurs à 85 047 BRL (13 513 euros).

Au Brésil, près de la moitié des taxes portent sur les produits alimentaires et les services, ce qui affecte ainsi davantage les personnes aux revenus les plus faibles. En s’appuyant sur l’exemple des communautés autochtones et en limitant le pouvoir destructeur d’une poignée d'individus ultra-riches et de géants pétroliers, le gouvernement pourrait mobiliser des sommes considérables afin d’assurer la justice énergétique.

Un impôt sur la fortune au Brésil pourrait générer des milliards chaque année pour contribuer à :

Taxons leurs milliards pour accélérer la transition vers les énergies renouvelables

À présent, près de 600 milliardaires vivent en Europe, et depuis 2020, leur richesse cumulée a augmenté d’un tiers, pour atteindre 1900 milliers de milliards d’euros en 2023. Pousser les pays du G20 tels que le Brésil, le Canada, la France, l’Allemagne, l’Afrique du Sud et le Royaume-Uni à soutenir un accord mondial sur l’impôt sur la fortune et à introduire de tels impôts sur la fortune dans chacun de leur pays permettrait de collecter des sommes considérables. Des impôts sur la fortune inscrits chaque année aux budgets des États contribueraient ainsi à lutter contre l’urgence climatique et contre la pauvreté et à améliorer le quotidien de tou·tes.

Une opportunité politique

Le Brésil cherche à s’imposer en tant que leader mondial en matière d’action climatique. Son gouvernement doit donc être soutenu dans ses efforts pour faire aboutir un accord sur l’impôt sur la fortune dans le cadre du G20. Cela permettrait de supprimer les niches fiscales qui bénéficient aux ultra-riches et de générer des sommes considérables pour le financement de la lutte contre le changement climatique et l’amélioration des services publics à domicile  et à l’étranger. Le Brésil passera le relais de la présidence du G20 à l’Afrique du Sud, qui devrait continuer en 2025 à soutenir l’adoption d’un accord international sur l’impôt sur la fortune.

Quels sont les avantages de la mise en œuvre d’un impôt sur la fortune pour les citoyen·nes « ordinaires » en Europe ?

 

De nombreux pays d’Europe traversent une grave crise du coût de la vie, en raison de l’explosion des prix de l’énergie et de l’alimentation. Le débat politique se concentre sur les réductions et l’austérité plutôt que sur l’investissement et l’action climatique. En parallèle, des guerres culturelles sont attisées par l’extrême droite sur la question de qui doit supporter les coûts des politiques climatiques. La réponse ne pourrait être plus claire : les ultra-riches doivent être contraint·es de payer, ce qui permettra de financer énormément de mesures très bénéfiques, et notamment de :

  • Assurer la durabilité de l’approvisionnement en énergie et mettre fin à la pauvreté énergétique, en accélérant le déploiement de sources d’énergie renouvelables sûres, en modernisant les réseaux énergétiques nationaux obsolètes et en construisant des installations de stockage de l’énergie. Garantir l’accès à une énergie moins chère, sûre et non-polluante permettra à chacun·e d’avoir les moyens de chauffer confortablement son logement et de réduire ses émissions de gaz à effet de serre.
  • Proposer des logements bien isolés et de bonne qualité, synonymes de factures énergétiques moins élevées, en lançant un programme massif d’amélioration de l’habitat visant à renforcer l’efficacité énergétique, et en améliorant le chauffage urbain lorsque cela est possible. En veillant à ce que tous les logements restent chauds en hiver et frais en été, les factures d’énergie baisseront. Cela permettra de créer par ailleurs des centaines de milliers d’emplois. Les recettes d’un impôt sur la fortune pourraient également contribuer à la construction chaque année de centaines de milliers de nouveaux logements sociaux mieux adaptés aux évolutions du climat.
  • Créer des emplois et de nouvelles opportunités de formation : investir dans la transition juste générera des millions de nouveaux emplois dans différents secteurs économiques et permettra de financer de nouvelles opportunités de carrière prometteuses pour les jeunes. Les programmes de reconversion garantiront des emplois sûrs et de bonne qualité aux personnes dont l’emploi dépend actuellement des énergies fossiles et des industries à forte empreinte carbone.
  • Améliorer les services et les infrastructures essentiels : le potentiel de recettes de l’impôt sur la fortune est tel qu’il permettrait également de combler le déficit croissant d’investissements dans les hôpitaux, les écoles, les transports publics et les espaces de loisirs tels que les bibliothèques et les espaces verts, et améliorerait ainsi considérablement le quotidien de millions de personnes.
Taxons leurs milliards pour financer l’action climatique dans les pays les plus vulnérables

 

Les pays et les entreprises d’énergies fossiles à l’origine de l’urgence climatique ont l’obligation morale de financer la prévention et la réparation des impacts climatiques néfastes dans les pays qui ont le moins contribué au changement climatique. En effet, ces pays sont les plus durement affectés par les hausses extrêmes de température, les inondations, les tempêtes, les typhons et les feux de forêt meurtriers. 

Des impôts progressifs sur les grandes fortunes et les majors pétrolières mis en place dans les pays les plus riches, comme en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, augmenteraient les recettes des États. Une campagne conjointe permettrait de faire en sorte que ces États renforcent leurs obligations en matière de financement mondial de l’action climatique, basé sur des dons et financé par des fonds publics, après des années de non-respect de leurs promesses. 

Des impôts progressifs sur les personnes et les entreprises les plus riches et les plus polluantes combinés à la réorientation des subventions publiques accordées aux entreprises des énergies fossiles vers les énergies renouvelables permettraient de générer des milliers de milliards de dollars de recettes annuelles supplémentaires. Cette occasion doit être saisie pour enfin débloquer ce financement tant attendu et promis depuis longtemps, par le biais du nouvel objectif mondial de financement de l’action climatique. Il s’agit également d’une question de justice : on ne peut pas demander aux citoyen·nes ordinaires de payer la facture. Sur le plan moral, il est donc impératif de taxer les milliardaires et les entreprises des énergies fossiles et de les obliger à payer. 

En assumant leur responsabilité historique, les pays les plus riches pourraient grandement contribuer à la lutte contre l’urgence climatique et contre la pauvreté dans le monde. Des plans climat nationaux entièrement financés en Afrique, en Asie, en Amérique latine et dans le Pacifique permettraient de: 

  • Financer la réponse aux pertes et dommages, les actions d’adaptation et d’atténuation. Lors des négociations de la COP29 qui se tiendront cette année, un nouvel objectif de financement de l’action climatique (le nouvel objectif collectif quantifié) doit être adopté afin de fournir 1 000 milliards de dollars par an aux pays du Sud. Cette somme est en effet nécessaire pour prévenir et réparer les dommages causés par le changement climatique et assurer la transition vers les énergies renouvelables.
  • Développer l’accès à l’énergie et satisfaire des besoins fondamentaux : en reproduisant et en développant des projets d’énergie renouvelable sur tous les continents, des centaines de millions de personnes vivant actuellement sans électricité pourront être raccordées à des sources d’énergie sûres, fiables et abordables. L’accès à l’électricité permettra à des millions d’enfants supplémentaires de pouvoir étudier après la tombée de la nuit, stimulera le développement économique local, améliorera la santé des populations et la sécurité des habitations.
  • Améliorer les infrastructures et faire bénéficier les communautés d’une large palette de co-bénéfices. En effet, des investissements à grande échelle visant à décarboner les systèmes de transport et à préparer les bâtiments publics tels que les écoles et les hôpitaux, et les infrastructures économiques telles que les ports ou les exploitations agricoles au changement climatique permettront aux communautés de prospérer et de renforcer leur résilience. 
  • Fournir des opportunités de formation, de développement de compétences et d’emplois : la mise en œuvre généralisée de projets d’énergie renouvelable au service des communautés et d’un développement résilient  au changement climatique généreront des programmes de formation à grande échelle afin d’améliorer les compétences et de créer des millions de nouveaux emplois.
  • Garantir une gestion par les communautés et une véritable démocratie énergétique :  financer convenablement des projets permettant aux communautés de contrôler leurs propres sources d’énergies contribuera à la mise en place de systèmes d’énergie renouvelable efficaces qui bénéficieront aux citoyen·nes «ordinaires». Former des populations à l’organisation collective, aux campagnes et au plaidoyer en faveur de leur appropriation de sources d’énergies renouvelables décentralisées bénéficiera aux communautés et permettra de dépasser les injustices induites par une économie fondée sur les énergies fossiles.
  • Mettre un terme à la mainmise des énergies fossiles : accélérer la sortie complète des énergies fossiles libérera des millions de personnes des effets dévastateurs du changement climatique et leur permettra de protéger leurs moyens de subsistance et leurs terres jusque-là mis à mal par l’extraction et la production des énergies fossiles.
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