20 novembre, 2022

L’absence d’engagements à abandonner les énergies fossiles menace les progrès en matière de pertes et dommages

Dimanche 20 novembre 2022, Sharm el-Sheikh, Égypte – L’issue des négociations climatiques de l’ONU (COP27) tenues en Égypte a été rendue publique tôt ce matin, dans un texte qui scelle la poursuite de l’expansion des combustibles fossiles et l’aggravation des impacts climatiques, selon 350.org.

Sous la pression intense de l’industrie fossile, la présidence égyptienne ainsi que les États-Unis, l’UE, la Chine, les pays du Golfe et le Japon, entre autres, ont manqué aux promesses de ce qui s’annonçait comme la « COP de l’Afrique » ou la « COP de mise en œuvre ». 

Le texte définitif évoque la science et les conclusions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), réaffirme l’objectif de 1,5 °C et mentionne les énergies renouvelables et les transitions justes. Ces velléités sont cependant réduites à néant par l’omission d’un plan juste et équitable d’abandon des combustibles fossiles

Les pays riches ont reconnu la nécessité d’établir un fonds de réponse pour indemniser les pertes et dommages des pays en voie de développement. Cette percée significative témoigne du leadership des pays impactés et de la société civile, qui se sont montrés intraitables sur cette question vitale de justice climatique. Ces progrès sont hélas menacés par l’absence dans le texte de toute référence à l’engagement critique d’abandonner les combustibles fossiles. La poursuite de leur utilisation accentuera le changement climatique et les pertes et dommages qu’il engendre. 

De grands producteurs de charbon, de pétrole et de gaz comme l’UE, le Royaume-Uni, les États-Unis et l’Inde ont emboîté le pas de nations telles que les Tuvalu et se sont joints à l’appel à abandonner les combustibles fossiles, grâce aux efforts de la société civile dans ces pays et à Sharm el-Sheikh. L’influence de l’industrie fossile a malheureusement anéanti ces bonnes intentions. 

Des progrès ont été accomplis hors du cadre de l’ONU ; le Kenya, les Fidji, les Tuvalu et le Chili, notamment, se sont ainsi engagés en faveur de l’abandon des combustibles fossiles en s’unissant à la Beyond Oil and Gas Alliance. L’Amérique latine n’est pas en reste : la Colombie affiche son leadership et sa volonté politique en encourageant le financement d’une transition énergétique juste, tandis que le Brésil a fait son retour à la table des négociations climatiques, sous la houlette de son président élu Luiz Inácio Lula da Silva. En outre, alors même que se tenait la COP, le G20 organisé à Bali (Indonésie) a reconnu la nécessité de réduire rapidement l’utilisation des combustibles fossiles pour atteindre les objectifs climatiques mondiaux 2030.

Lors de cette COP, des activistes du monde entier ont réaffirmé que la crise climatique est une question de droits humains. Ensemble, des groupes autochtones, communautés en première ligne, groupes de défense des femmes et de l’égalité des genres, réseaux de soutien aux personnes handicapées et activistes des droits humains des quatre coins de la planète ont clamé haut et fort qu’il n’y a pas de justice climatique et environnementale sans justice sociale. Le mouvement mondial pour la justice climatique continuera de montrer la voie, en relatant des histoires de résilience, révélant les mensonges de l’industrie fossile et luttant pour des solutions réelles, justes et accessibles.

 

May Boeve, directrice administrative de 350.org:

« L’heure des demi-mesures est passée et chaque fraction de degré compte. Nous avons besoin d’une élimination rapide, juste et équitable des combustibles fossiles ; une nouvelle fois, la COP a déçu nos espoirs. Les avancées en matière de pertes et dommages témoignent du travail incroyable de la société civile des pays les plus impactés. Sans abandon des combustibles fossiles, les pertes et dommages iront toutefois en s’aggravant. Sur ce point, la COP est un échec. 

« En définitive, ce n’est cependant pas à la COP que le combat se déroule. La lutte continue. Jamais les appels à inclure l’abandon des combustibles fossiles n’avaient été aussi retentissants. Dans ce domaine, de vrais progrès sont accomplis dans le monde réel, grâce aux personnes qui défilent dans les rues, s’organisent pour bloquer les nouveaux projets fossiles, poursuivent l’industrie en justice et se mobilisent pour réclamer des solutions renouvelables. Nous ne nous avouerons jamais vaincu·e·s. » 

Zeina Khalil Hajj, directrice des campagnes et de l’organisation mondiales de 350.org :

« Glasgow a amorcé la réduction de l’utilisation du charbon. La COP27 de Sharm el-Sheikh devait déboucher sur un plan équitable et juste d’ABANDON de TOUS les combustibles fossiles. Un texte qui n’enraye pas l’expansion des combustibles fossiles et n’étoffe pas les faibles prétentions du Pacte de Glasgow est un affront aux millions de personnes qui subissent les impacts du changement climatique. L’accord sur les pertes et dommages est une avancée majeure, qui restera cependant lettre morte en l’absence de mesures concrètes d’abandon des combustibles fossiles. Nous créons un fonds pour notre propre destruction. 

Le chaos climatique de 2022 et le choc de l’invasion russe de l’Ukraine auraient dû transformer radicalement nos politiques énergétiques. Au lieu de cela, 600 lobbyistes sont parvenus à retarder l’adoption pourtant nécessaire d’un plan juste et équitable d’abandon des combustibles fossiles. Nous savons toutefois qu’il ne s’agit que des dernières convulsions d’une industrie à l’agonie. La réforme des banques de développement multilatérales est une source d’espoir, et nous combattrons sans relâche pour qu’elle aboutisse à une augmentation des financements urgents nécessaires pour assurer une transition énergétique juste et tourner la page des combustibles fossiles. »

Landry Ninteretse, directeur régional de 350Africa.org :

« Les nations d’Afrique sont durement touchées par les événements extrêmes associés au changement climatique, auquel le continent a pourtant le moins contribué ; elles attendaient donc énormément de cette COP tenue sur leur sol. La déception n’en est que plus grande : cette COP s’est déroulée en Afrique, mais pas pour l’Afrique. Nous escomptions entre autres un engagement plus fort en faveur de l’abandon des combustibles fossiles, qui sont à l’origine du changement climatique et de ses effets dévastateurs. Nous ne pouvons tolérer aucune faille qui permettrait la poursuite de l’expansion de ces combustibles et de leurs impacts, comme une ruée des pays européens sur le gaz fossile africain. Nous nous réjouissons de la mention d’un fonds d’indemnisation des pertes et dommages dans le texte définitif. Nous espérons qu’il s’agit pour les pays riches d’un premier pas vers la reconnaissance de leur responsabilité dans le changement climatique et qu’il se traduira par des réparations réelles pour les populations qui sont à la fois les moins responsables et les plus affectées. »

Joseph Zikulu, directeur régional de 350.org Pacifique :

« La référence à la création d’un fonds d’indemnisation des pertes et dommages dans le texte définitif est clairement le résultat de la pression exercée par les nations les plus vulnérables et la société civile. Elle est le signe que nous avons finalement réussi à pousser certains pays riches à reconnaître la nécessité de dédommager nos communautés des pertes subies depuis des décennies. Tous les pays vulnérables et historiquement non responsables doivent être en mesure d’obtenir des fonds en cas de besoin. Chacun·e d’entre nous retrouvera sa communauté et ses électeur·trice·s avec une histoire à raconter. Une histoire inspirée par la colère et la rage que suscite en nous le refus de certains pays d’assumer leurs responsabilités, mais aussi par l’élargissement et la consolidation de notre réseau de liens. Nous n’accepterons jamais la défaite. »

Masayoshi Iyoda, 350.org Japon :

« La COP27 a clairement montré que le Japon n’était pas encore prêt à accueillir le sommet du G7 à Hiroshima, l’année prochaine. Le pays est le premier pourvoyeur mondial de fonds publics en faveur des combustibles fossiles sur la période 2019-2021, et cette opposition à la tendance à la décarbonisation lui a valu de nombreuses critiques à Sharm el-Sheikh. Contrairement à d’autres pays parmi les plus riches et les plus pollueurs, le Japon a manqué l’occasion d’afficher son engagement à abandonner tous les combustibles fossiles, une condition essentielle à l’atteinte de l’objectif climatique de Paris. Au lieu de cela, le gouvernement et les sociétés japonaises financent de fausses solutions, comme la conversion ammoniac/hydrogène, la CCS ou le nucléaire, pour prolonger et justifier la dépendance aux combustibles fossiles au-delà de 2030. Le Premier ministre japonais, Fumio Kishida, doit immédiatement revoir les politiques climatiques et énergétiques, pour les aligner sur le dernier rapport du GIEC et l’objectif de 1,5 °C. Les mégabanques japonaises que sont la SMBC et la banque MUFG doivent par ailleurs écouter les voix africaines et s’engager à ne pas soutenir des projets fossiles dévastateurs, comme l’oléoduc EACOP en Afrique de l’Est. Dans le cas contraire, leurs promesses de “neutralité carbone” en vertu de l’accord climatique de Paris seront considérées à juste titre comme du greenwashing et de vaines paroles. »

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